Si les relations entre les forces de l’ordre et leur ancien magistrat sont tendues depuis plusieurs années, le divorce est désormais consommé avec un important corps de police: la police judiciaire (PJ), qui compte quelque 280 inspecteurs.
Comme l’a appris la RTS, les membres de la PJ ont adopté un vote de défiance à l’égard de leur ancien chef politique. Un vote tenu il y a quelques semaines déjà, mais qui n’avait pas été rendu public. Lors d’une assemblée extraordinaire, le Syndicat de la police judiciaire (SPJ) a posé la question suivante: "Pourrons-nous à nouveau accorder notre confiance à Pierre Maudet, indépendamment des suites judiciaires et politiques qui seront données à l’affaire? " A l’unanimité, les 101 inspecteurs présents ont répondu par la négative.
"Rupture du lien de confiance"
Contacté, le SPJ confirme et explique: "A travers ce vote, ces policiers ont exprimé la rupture du lien de confiance à l’égard d’un ministre ayant recours à la stratégie du mensonge et de la manipulation, contraires à leurs valeurs. Les policiers ne souhaitaient plus être représentés par ce magistrat et travailler sous ses ordres."
Une prise de position que Jean Batou, député Ensemble à gauche, dit comprendre. "N'importe quel fonctionnaire, je pense, serait dans cette position. C'est vrai que la police encore plus... Si son chef le plus important est en coquetterie avec les dispositions légales, c'est évidemment très difficile pour les policiers de travailler avec lui." Pour cet élu, dans un tel climat, un retour de Pierre Maudet à la police entraverait la bonne marche de l’institution.
Symptôme d'un malaise
Pour le PLR, le parti de Pierre Maudet, une telle prise de position est scandaleuse de la part d’un syndicat policier. "Ce n’est pas aux membres de la police de décider qui est leur chef. C'est un renversement complet de la hiérarchie. Les policiers doivent respecter les chefs qu'on leur donne. S'ils ne sont pas contents, ils peuvent se chercher un autre employeur", affirme Alexandre de Senarclens, président du PLR Genève.
Quant à Pierre Maudet, amputé de la responsabilité de la police depuis mi-septembre, il se refuse à tout commentaire. Son collègue Mauro Poggia, qui a repris la police par intérim, accepte lui de réagir: "Ce type d'expression de mauvaise humeur de la part d'un syndicat est le symptôme d'un malaise. Ce malaise, il faut en rechercher la cause, et Pierre Maudet doit aussi participer à ce travail. Mais au-delà du cas particulier, est-ce qu'un service de l'Etat quel qu'il soit peut décider de ne plus travailler avec un magistrat? Clairement, non."
Dans un tel climat, Pierre Maudet reprendra-t-il la tête de la police s'il est blanchi par la justice? Ce sera au Conseil d'Etat, à commencer par Pierre Maudet lui-même, de trancher cette question délicate.
Mathieu Lombard/gma