C’est une évidence de l'affirmer, l'éolien n’a pas bonne presse en Suisse. Rares sont les projets qui ne rencontrent pas d’oppositions. En Suisse romande, une quinzaine d’entre eux sont actuellement à l’étude et tous, sans exception, se retrouvent dans la tourmente.
Dans la grande majorité des cas, les voisins d’éoliennes dénoncent des nuisances sonores parfois insupportables. Et si certains ne se plaignent pas, ils font figure d'exception. Dernier exemple en date de l'opposition aux turbines, les citoyens de Court, dans le Jura bernois, ont rejeté la semaine passée un projet de sept turbines sur les hauts du village, malgré le soutien des autorités communales.
Deux types de réactions
Mikaël Zürcher, jeune agriculteur du Mont-Crosin, dans le Jura bernois, vit avec une turbine à 300 mètres de son exploitation. S'il admet quelques nuisances au micro de la RTS, il nuance toutefois son propos: "C’est vrai qu’on les entend de temps en temps. Je dirais environ dix jours par année, quand la pression atmosphérique est très basse et qu'il y a de la bise. Mais on s’y fait assez facilement." Reste que ce témoignage est probablement une exception.
Les citoyens qui se plaignent de nuisances sont bien plus nombreux. Frédéric Frésard, qui vit au Peu-Péquignot (JU), se trouve face aux trois éoliennes du Peuchapatte à 600 mètres de son domicile. Et il n’est pas tendre avec ces aérogénérateurs: "Ces trois éoliennes nous rendent vraiment la vie difficile et ce, sur deux aspects, au niveau du bruit et aussi au niveau de l’effet stroboscopique. Quand le soleil se lève derrière les éoliennes, comme c’est configuré ici, cela nous fait dans la maison un effet vraiment très désagréable, à nous donner le mal de mer quand on est à l’appartement."
Le Jura n'entend pas passer en force
Le Jura compte deux parcs éoliens, le premier à Saint-Brais (deux turbines) et le deuxième au Peuchapatte (trois). Et le canton veut développer cette forme d’énergie renouvelable. Pour y parvenir, il a choisi la méthode douce, sans doute pour calmer les esprits. Son plan directeur, qui doit encore être accepté par le Parlement, prévoit dans un premier temps un parc qui devrait servir de modèle.
Ministre jurassien de l'Environnement, David Eray explique que le canton ne veut pas passer en force: "Nous avons privilégié l’option de dire la chose suivante: nous faisons un parc modèle dans une zone qui a priori semble bien l’accepter dans les préavis que nous avons reçus et l’idée est de dire que si ce projet modèle se passe bien, alors nous le dupliquerons dans les autres sites qui seront intéressés à implanter l’énergie éolienne."
Un parc-modèle sur les hauts de Delémont
Le canton prévoit d’implanter ce parc modèle sur les hauteurs de Delémont, sur le territoire de quatre communes: Delémont, Pleigne, Bourrignon et Develier. Mais des voix s’élèvent, notamment dans la commune voisine de Mettembert. Selon Marc Mertenat, membre du groupe "L’ère du vent Mettembert", ce projet éolien est disproportionné: "Je ne peux même pas comprendre que l’on puisse se lancer dans des travaux pharaoniques, imaginez des éoliennes de 200 mètres de hauteur."
Les citoyens fâchés de Mettembert sont soutenus dans leur démarche d’opposition par l’association Librevent, qui se bat depuis des années contre l’implantation d’éoliennes, plus particulièrement dans la région des Franches-Montagnes. Son président Jean-Daniel Tschan est catégorique, l’éolien ne représente pas une solution d’avenir: "En Suisse, il faut imposer du solaire sur toutes les maisons et mettre du photovoltaïque sur tous les toits, de sorte que les ménages deviennent indépendants."
Daniel Bachmann/boi
Une faible production en Suisse
En Suisse, la production d'énergie éolienne n'est que de 0,1%, alors que le champion d’Europe, le Danemark, affiche une production de 41%. La moyenne européenne atteint elle 14%.
Appelé à commenter ces chiffres, Matthias Finger, spécialiste en énergie à l’EPFL, dit penser que "tout est bon à prendre, c’est-à-dire que tout ce qu’on peut faire dans l’éolien est bon à prendre, mais il ne faut pas se faire des illusions sur le potentiel de l’éolien comme moyen d’atteindre la stratégie énergétique 2050".