Doit-on appeler cela le "miracle de Moutier"? Alors que plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées et ont fêté avec grand bruit le rattachement de Moutier au canton du Jura, le 28 mars dernier, la région n’est pas devenue un foyer d’infections, comme on aurait pu le craindre.
Pour le ministre jurassien de la Santé Jacques Gerber, cette absence de flambée de cas est suffisamment intrigante pour mériter qu’on s’y attarde.
"Nous allons écrire la semaine prochaine à la Confédération pour demander que le cas de Moutier soit étudié avec soin, car les règles préconisées depuis le début de la pandémie n’ont clairement pas été respectées le 28 mars dernier", a-t-il indiqué dimanche à la RTS.
Une majorité de jeunes
Il estime que si une analyse sérieuse montre qu’un tel rassemblement ne provoque pas de flambée de cas, cela pourra servir d'argument pour alléger les mesures, notamment en perspective d'une réouverture des restaurants.
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Le ministre libéral-radical prévient cependant qu'il faut "prendre des pincettes", et ne pas tirer de conclusions trop hâtivement. Car si on a bien assisté à un vaste rassemblement sans respect des gestes barrières, celui-ci s'est principalement tenu en extérieur, et une majorité des fêtardes et fêtards pro-jurassiens étaient des jeunes, moins susceptibles de développer des symptômes graves, et donc d'aller se faire tester.
"Pas de raisons de craindre un foyer massif"
C'est donc pour mieux cerner ce cas d’école que le canton du Jura va demander à l’OFSP de l'étudier plus en détail. Du côté bernois, le ministre de la Santé, Pierre-Alain Schnegg, se montre à la fois soulagé et prudent.
Interrogé samedi par le Quotidien jurassien, il constate que les cas à Moutier n’ont que très légèrement augmenté, avec un total d’une quinzaine de cas pour la semaine écoulée. Et ce, malgré l'appel à se faire tester massivement qui a été lancé dans la région après le 28 mars.
"Je pense qu’il n’y a jamais eu lieu de craindre un foyer de centaines de contaminations suite aux événements de Moutier. Mais il faut rester vigilant", a-t-il déclaré.
Ludovic Rocchi/jop
Situation incomparable avec les restaurants
Interrogée dimanche soir dans Forum, la médecin et bioéthicienne Samia Hürst, vice-présidente de la task force scientifique de la Confédération, salue la démarche. "C'est une très bonne idée d'étudier plus en détail cet événement", dit-elle.
Mais elle confirme qu'il serait abusif de se baser uniquement sur l'absence de "cluster prévôtois" pour acter une réouverture des restaurants. "Ce sont des situations incomparables. On sait que le risque de transmission en extérieur est environ 18 fois plus faible qu'en intérieur", rappelle-t-elle.
Peu de contamination en extérieur
"On a redouté à plusieurs reprises des foyers de contamination en extérieur, par exemple ça a été le cas de la Fête de la Musique à Paris, ou encore des manifestations Black Lives Matter aux États-Unis, tout comme à Moutier. Mais à chaque fois, on n'a jamais trouvé de cluster", explique dans le 19h30 Antoine Flahaut, directeur de l'Institut de santé globale de l'université de Genève.
Le virus se transmet donc surtout en intérieur, dans des lieux mal aérés, principalement via les aérosols, comme l'établit assez clairement la littérature scientifique. Ainsi, pour Antoine Flahaut, l'ouverture prochaine des terrasses semble donc "extrêmement peu risquée".