British American Tobacco Switzerland (BAT) envisage de transférer la totalité de la production du site jurassien vers d'autres usines en Europe. La direction de l'usine a informé les travailleurs et les travailleuses jeudi à 12h30.
Phare économique de cette commune frontalière de la France, BAT a ouvert une procédure de consultation - préalable à un licenciement collectif - de quatre semaines liée au site de Boncourt. Elle pourrait aboutir, dans le meilleur des cas, à une fermeture partielle de l'usine. Mais une fermeture totale est à craindre. La décision définitive est attendue courant décembre. Le sort de la marque Parisienne n'est pour l'heure pas connu.
Peu d'espoir
A Boncourt, "c'est une véritable onde de choc", a constaté le correspondant de la RTS sur place. Dans ce village de 1200 habitants, l'importance de cette usine est extrême. "On ne peut pas se promener une minute sans tomber sur une fontaine, un parc ou un terrain de sport nommé Burrus (le nom de la famille qui a créé l'entreprise, ndlr)", relève-t-il.
Et les habitants ne se font guère d'illusions. Si le communiqué de BAT parle de moments de réflexion et laisse un petit espoir, "ici, personne n'en a plus. Tout le monde voit la fermeture de cette usine", poursuit le journaliste après avoir discuté avec plusieurs employés, qui n'ont pas souhaité parler face caméra.
"Sentiment de désolation et de gâchis"
Informé également à la mi-journée, le Gouvernement jurassien a fait part de sa surprise et de sa déception face à cette annonce. Il déplore un "coup dur" pour le canton ainsi que pour les employés et leurs familles, et annonce dans un communiqué qu'il "fera en sorte de défendre les intérêts jurassiens et ceux des employés dans la phase de consultation qui s’ouvre".
"Le canton va suivre ce dossier pour s'assurer que le plan social soit exemplaire pour l'ensemble des collaboratrices et collaborateurs", a précisé le conseiller d'Etat jurassien Jacques Gerber.
Interrogé dans le 19h30 de la RTS, le maire de Boncourt Lionel Maitre évoque lui "un choc, une déception, un sentiment de désolation et de gâchis".
Une importance historique
Fondée en 1814 par la famille Burrus (lire encadré), l'usine est passée aux mains de Rothmans International en 1996. Cette dernière a fusionné avec la multinationale British American Tobacco (BAT) en 1999, qui en a fait son siège principal en Suisse. Elle produit depuis 1887 les fameuses cigarettes suisses Parisienne, 2e marque la plus vendue dans le pays.
Le site compte actuellement quelque 220 employés, dont environ la moitié de frontaliers. "Nous examinons toutes les options et ne prendrons aucune décision avant la fin de la consultation correspondante", explique l'entreprise dans un communiqué, précisant par ailleurs que l'unité commerciale basée à Lausanne n'est pas concernée.
En janvier 2014, le département Recherche et Développement de BAT avait déjà fermé son usine pilote à Boncourt, avec un quinzaine de suppressions d'emploi à la clé.
>> Lire à ce sujet : British American Tobacco supprime quatorze emplois à Boncourt
jop/vic
Economie locale fortement dépendante de l'usine
D'origine alsacienne, la famille Burrus s'est installée au début du 19e siècle dans la région jurassienne. En 1814, Martin Burrus fonde une fabrique de tabac, d'abord du tabac à pipe et à chiquer. C'est en 1886 que débute la fabrication de cigarettes. Une année plus tard est lancée la marque "Parisienne", qui deviendra célèbre en Suisse mais restera peu exportée.
Les membres de cette dynastie familiale vont diriger tour à tour l'entreprise. Ce ne sont ainsi pas moins de six générations qui se sont succédé à la tête de la société jusqu'à sa vente au groupe néerlandais Rothmans International en 1996.
"Le développement de Boncourt est étroitement lié à l'évolution de l'usine"
Le groupe BAT avait célébré en mai 2014 les 200 ans d'activité du site de production de Boncourt. Les festivités marquant ce bicentenaire avaient permis aux orateurs de rappeler le lien indéfectible entre la dynastie Burrus et le village frontalier. "La famille Burrus a laissé son empreinte sur la vie économique et sociale de Boncourt et de sa région", avait souligné Charles Juillard, ancien président du gouvernement jurassien.
L'économie locale dépend fortement du site de production. "Le développement de Boncourt est étroitement lié à l'évolution de l'usine Burrus et maintenant BAT", avait ainsi expliqué l'ancien maire de ce village ajoulot André Goffinet lors du bicentenaire. Les rentrées fiscales de l'usine BAT profitent aussi au reste du canton.