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Les langues se délient sur les violences subies par le corps enseignant jurassien

Le Jura est à l'épreuve de violences scolaires envers les enseignants, qui se rendent en classe la boule au ventre. Témoignages édifiants
Le Jura est à l'épreuve de violences scolaires envers les enseignants, qui se rendent en classe la boule au ventre. Témoignages édifiants / 19h30 / 4 min. / le 2 avril 2023
Coup de poings, insultes, harcèlement, le corps enseignant jurassien redoute de plus en plus l'augmentation des comportements violents chez les élèves. Plusieurs professeures ont décidé de témoigner anonymement dans le 19h30.

Il a fallu plusieurs faits qualifiés de graves pour que les langues se délient. Il y a six semaines, dans le collège Stockmar à Porrentruy, un enseignant s'est fait agresser physiquement par un élève, qui lui assène des coups de poing et coups de pied. Ses collègues ont débrayé symboliquement pendant un quart d’heure suite à l'agression.

Autre exemple au collège de Delémont, où la police a dû intervenir pour arrêter un jeune qui dissimulait une queue de billard sous ses vêtements. Dans une autre école encore, une enseignante a été visée par le lancer d’une paire de ciseaux, heureusement sans mal.

>> Sur le sujet : Un élève de 14 ans a violemment agressé un enseignant à Porrentruy

"Certains enseignants et enseignantes vont à l’école avec la boule au ventre, avec une véritable anxiété de recevoir un coup, de recevoir un objet suite à une réaction d’un élève", rapporte Rémy Meury, secrétaire général Syndicat des enseignants jurassiens.

Il dénonce une situation de plus en plus difficile et reçoit régulièrement des enseignants démunis.

Subir des violences, c’est recevoir des coups de pied dans les tibias, des coups de poing dans le ventre, des coup de tête.

Professeure jurassienne en école enfantine

"J’ai reçu ma dose de coups de poing"

Depuis 30 ans, Eliane* enseigne dans les écoles jurassiennes. Mais depuis une dizaine d'années, elle observe un récurrence de la violence sous toutes ses formes. Selon elle, cela va crescendo. Récemment, un élève de 9 ans s’en est pris à elle.

"J’ai reçu des coups de poing de la part d’un enfant qui ne voulait pas aller où on devait se rendre. Il a fallu le traîner et tout au long du chemin, j’ai reçu ma dose de coups de poing", raconte-t-elle. "Je ne suis pas d’accord de travailler comme ça."

Anne*, forte de 30 ans de métier comme enseignante en classe enfantine, trouve également que le climat de travail s’est fortement dégradé ces dernières années: "Subir des violences, c’est recevoir des coups de pied dans les tibias, des coups de poing dans le ventre, des coups de tête. C'est aussi se faire pincer les seins, cela arrive chez les enfants quand ils sont frustrés."

Cas isolés? Pas vraiment

Le syndicat des enseignants a mené un sondage auprès de ses membres. A la question "avez-vous subi des violences verbales, physiques ou du harcèlement ces cinq dernières années", 56% ont répondu par l’affirmative. Ces violences atteignent même 72% chez les plus petits, soit à l’école enfantine.

"Je ne pensais pas arriver à une proportion de ce type-là, c’est vraiment très important", s'inquiète Rémy Meury. "La réalité, c’est que ça se produit quasiment quotidiennement dans les classes jurassiennes. Les enseignants, à un moment ou à un autre, subissent ce genre de violences."

Capacités d'adaptation problématiques

Selon le pédopsychiatre jurassien Henri Sarre, la violence de la part des plus jeunes est principalement liée à la découverte d’un nouvel environnement. "C’est un problème au niveau des capacités d’adaptation d’un enfant normal qui arrive dans une école et qui n’a pas un appareil psychologique suffisamment stable", détaille le docteur.

L'Etat de son côté estime que les structures qu'il a mises en place sont suffisantes. "Nous avons mis en place la classe relais, et cela fait quelques années qu’elle fonctionne bien", assure Martial Courtet, ministre de l’éducation jurassien.

Cette classe relais "permet aux élèves qui ont des comportements inadaptés en classe de sortir de leur cadre pour se retrouver 'au vert', avec un suivi particulier", ajoute le ministre - même si les enseignants contactés par la RTS trouvent cette mesure insuffisante.

*prénoms d'emprunt

Sujet TV: Aline Saretti et Daniel Bachmann

Adaptation web: Raphaël Dubois

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