A Porrentruy, les demandes d'indemnités pour des conditions de détention indignes se multiplient
L'été dernier, la situation a provoqué l’incompréhension lorsque la Cour pénale du Tribunal cantonal a accordé près de 6000 francs à un prisonnier, la prison de Porrentruy ne respectant pas les standards minimaux de détention. Le mois dernier, un deuxième cas a été jugé, entraînant une réduction de 133 jours de la peine d’un condamné. Comme l’explique le Gouvernement jurassien dans une réponse à une question écrite d’un député, "la réduction de peine, lorsqu'elle est possible, doit permettre de répondre en partie à une demande d'indemnisation."
De son côté, la ministre de l'Intérieur Nathalie Barthoulot précise vendredi dans La Matinale la pleine légalité de cette pratique. "Si des personnes sont incarcérées dans des conditions qui ne sont pas conformes aux exigences de la Convention européenne des droits de l'Homme, ces personnes peuvent réclamer (...) et toucher des indemnités, voire être au bénéfice d'une réduction de peine. Cela dépend toujours de la situation de la personne détenue, si le jugement est entré en force ou pas et le nombre de mois qui ont été passés à la prison de Porrentruy", explique-t-elle.
"A ce jour, nous avons cinq dossiers qui ont été déposés. Deux nouveaux nous sont parvenus tout dernièrement et nous espérons que nous arriverons à boucler le dossier de manière assez rapide", ajoute-t-elle.
Avenir incertain pour la prison de Porrentruy
Malgré ces demandes d'indemnisation, le Gouvernement jurassien n’envisage pas de fermer immédiatement la prison de Porrentruy. Selon lui, il est difficile, voire impossible, de trouver 18 places ailleurs en Suisse. Les travaux pour améliorer les conditions de détention seraient soit impossibles, soit particulièrement coûteux dans un bâtiment classé monument historique.
La solution envisagée est la prison de Moutier, que le Jura va récupérer dès 2026. Les autorités jurassiennes devraient en dire plus mi-novembre, lors de la présentation de leur nouvelle stratégie pénitentiaire.
"Faire passer un message"
Pour Nicola Meier, avocat pénaliste au barreau de Genève, ce cas n’est pas surprenant. Il rappelle des situations similaires dans son canton il y a une dizaine d’années: "La possibilité a été évoquée et mise en œuvre à Genève, avec une problématique identique au sein de la prison de Champ-Dollon. On a estimé que lorsque l'État n'est pas en mesure d'offrir des conditions de détention qui soient dignes, il devait quelque part en payer les conséquences. Lorsque vous ne pouvez pas chiffrer l'indignité, on considère que l'un des moyens de le résoudre, c'est de réduire effectivement la durée de la peine. Je comprends que ça puisse interpeller, mais c'est aussi un message que l'on tente de faire passer auprès des autorités".
Et de conclure: " Mais je peux vous dire que le résultat est simple. A un moment donné, l'Etat trouve des solutions pour rendre les conditions de détention dignes au sens de la Convention européenne des droits de l'Homme".
Reportage radio: Gaël Klein
Adaptation web: ther