En juin 2011, vonRoll a informé ses employés que les salaires des travailleurs résidant dans la zone euro allaient être payés en euros à partir du 1er janvier 2012 afin d'amortir les effets du franc fort.
Une clause contractuelle stipulait que si le cours du franc suisse descend en-dessous de 1,30 franc ou augmente en-dessus de 1,60 franc en moyenne pendant trois mois consécutifs par rapport à l'euro, le salaire en francs sera converti au taux de 1,30 respectivement 1,60 et versé sur un compte euro en Suisse.
Plainte d'un frontalier
Un frontalier français travaillant sur le site de Choindez (JU) a porté plainte en 2016 et demandé plus de 19'000 francs d'arriérés suite au paiement de son salaire en euros depuis le 1er janvier 2012. Soit la différence entre le salaire versé selon le taux fixe et le salaire tel qu'il aurait été versé au taux réel.
Le Conseil des prud'hommes lui a donné raison en juin 2016, condamnant vonRoll a payer 18'800 francs. vonRoll a fait appel devant le Tribunal cantonal.
ats/cab
Caractère discriminatoire
Le Tribunal cantonal considère que le versement des salaires en euros aux travailleurs résidant dans la zone euro est une discrimination interdite par l'accord sur la libre circulation des personnes passé entre la Suisse et l'Union européenne et ne saurait être justifiée par le coût de la vie plus bas en France.
Pour la Cour, le critère de comparaison réside dans la prestation de travail, à savoir salaire égal pour un travail de valeur égale.
A la connaissance du président de la Cour civile du Tribunal cantonal Jean Moritz, c'est la première fois que la justice se prononce sur un tel cas en Suisse romande.
Von Roll regrette et veut faire appel
Pour justifier sa pratique, vonRoll a fait valoir que, sans le paiement des salaires suisses en euros pour ses collaborateurs frontaliers, ses comptes annuels pour 2012-2013 auraient été catastrophiques et que des licenciements auraient été rendus nécessaires.
Von Roll a calculé que si elle devait être condamnée à payer la somme réclamée, cela reviendrait à verser plus de 2,2 millions de francs à ses employés frontaliers, montant calculé sur une période de juin 2012 à mai 2016.
Une dizaine de plaintes d'employés de vonRoll sont pendantes devant la Cour de prud'hommes. L'entreprise entend porter l'affaire au Tribunal fédéral.