A Colombier (NE), le directeur du site de Vadec, le réseau de valorisation des déchets pour l'Arc jurassien, n’en revient pas. Il déclare son étonnement au 19h30 de la RTS: "Cela paraît invraisemblable de devoir payer pour envoyer du carton de cette qualité dans des filières de recyclage."
Après que la Chine a décidé, en 2018, de ne plus importer les déchets venus d'Europe, le cours du marché du carton s'est en effet effondré. Depuis la fin du mois d'octobre, la valeur du carton a atteint son plus bas niveau historique, la somme négative de -10 euros (-10,95 fr.) la tonne. Il faudra donc payer dorénavant pour son recyclage. En janvier 2019 pourtant, cette matière valait un peu plus de 13 euros (14,20 fr.) la tonne, avant que le cours ne chute à une valeur nulle en août, puis dégringole à des valeurs négatives.
Mesures de protectionnisme
Selon Xavier Mahue, directeur du groupe Retripa, spécialisé dans le tri et le recyclage, le secteur a connu d'importantes fluctuations au cours des trois dernières décennies. Si ces variations étaient jusque-là principalement liées à des crises économiques, la récente chute est, elle, explicable par des mesures de protectionnisme et par des modifications dans les échanges globaux, note-t-il.
Malgré la crise, Xavier Mahue reste toutefois convaincu de l'investissement dans une chaîne de tri flambant neuve à Colombier. "Pour le futur, pour les enfants, on doit pouvoir réutiliser les matières, les transformer en matière première secondaire, ce qui est rendu possible par ce genre d'équipement", estime-t-il. Le papier à recycler a d'ailleurs toujours une certaine valeur, puisqu'il est vendu 85 euros (93 fr.) la tonne, à condition qu’il soit trié, c'est-à-dire séparé du carton.
Recyclage toujours rentable
La nouvelle chaîne de tri d’une valeur de 2 millions de francs a été financée à 51% par la société Retripa, le reste étant à la charge des collectivités. Les autorités restent aujourd'hui convaincues par leur investissement, puisque l’incinération coûte nettement plus cher que le recyclage, à savoir 170 fr. la tonne, comme le rappelle Marc Arlettaz, conseiller communal à La Chaux-de-Fonds. Pour lui, pas question de revenir en arrière et de se mettre à incinérer du carton. "Ecologiquement, c’est un non-sens, et le carton a un pouvoir calorifique très faible", souligne-t-il.
Toutes les collectivités vont donc devoir passer à la caisse. A La Chaux-de-Fonds, où l'on se débarrasse chaque année de 1300 tonnes de carton, les frais supplémentaires annuels sont estimés à 13'000 francs, à condition que les prix se stabilisent. Mais les spécialistes du secteur prévoient la poursuite de la dégringolade des prix, le pire serait donc à venir.
Miroslav Mares/kkub