"On ne craint pas, à brève échéance, des soucis dans les hôpitaux neuchâtelois sur le plan du matériel et des infrastructures. Les lits sont là, les respirateurs aussi. C'est sur le plan des ressources humaines qu'on sent aujourd'hui le système devenir plus fragile. Il y a aussi des malades parmi les soignants, beaucoup de stress et une grande fatigue qui commence à se faire sentir. Tout ça à un moment où il faut encore monter en puissance", a détaillé le ministre socialiste neuchâtelois dans La Matinale.
Il met aussi en garde contre une possible aggravation de la situation: "Si chacun ne prend pas les mesures qu'on lui demande de respecter, notre système de soin risque d'être saturé. Et ce ne sont pas uniquement les personnes atteintes du virus qui sont concernées, car nous devons continuer à prendre en charge les gens qui font des arrêts cardiaques, des malaises ou sont victimes d'accidents de la route", a rappelé Laurent Kurth.
Des frontaliers réquisitionnés par la France?
En raison de la dégradation de la situation dans les pays voisins et des contrôles renforcés aux frontières, faut-il craindre une pénurie de personnel de santé, les travailleurs frontaliers étant nombreux dans le secteur médical? "La part de frontaliers varie beaucoup d'un site à l'autre, mais c'est une ressource importante. Dans certains services, on atteint plusieurs dizaines de pour cent, même au-delà de 50% parfois", confirme le ministre en charge de la santé et des finances neuchâteloises.
Pour l'heure, il ne craint pas le scénario d'un personnel retenu en France: "Certes, on n'a aucune garantie que ces gens continueront à travailler en Suisse, mais il existe néanmoins des accords internationaux. Et les déplacements pour des motifs professionnels sont toujours garantis en France, comme l'a précisé lundi soir le président français dans son allocution", estime Laurent Kurth.
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On a beaucoup dit qu'on avait trop d'hôpitaux dans notre pays ces dernières années. Je crois que ce constat pourra être nuancé au sortir de cette crise
"On a beaucoup dit qu'on avait trop d'hôpitaux dans notre pays ces dernières années. Je crois que le constat pourra être nuancé au sortir de cette crise", constate au passage le chef neuchâtelois de la santé, interrogé sur l'effet des mesures d'économie prises ces dernières années dans ce secteur.
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Critiques de lenteur injustifiées
Pour Laurent Kurth, les critiques de lenteur et d'immobilisme adressées à la Confédération et à sa réponse face à la crise sont injustifiées. "J'aimerais m'inscrire en faux contre cette critique de lenteur. Je suis content qu'on hésite avant de prendre des mesures qui restreignent les libertés individuelles", a réagi le ministre neuchâtelois. "Dans les pays centralisés, on peut peut-être faire des déclarations plus autoritaires devant les médias, mais le temps de mise en œuvre est ensuite beaucoup plus long que dans un Etat fédéraliste".
Je suis content qu'on hésite avant de prendre des mesures qui restreignent les libertés individuelles
"Il faut mesurer que ces décisions sont graves et ont des conséquences importantes pour l'ensemble de la population. Elles sont donc prises avec des pesées d'intérêt très sérieuses", poursuit Laurent Kurth. "Les pompiers ne balancent pas les gens par la fenêtre pour les sauver des flammes! C'est l'attitude aussi bien du canton que du Conseil fédéral: il faut prendre des mesures importantes pour faire face à la maladie, mais qui ne soient pas disproportionnées au point de créer plus de dégâts que ceux qu'on essaie d'éviter".
Les pompiers ne balancent pas les gens par la fenêtre pour les sauver des flammes! Il faut prendre des mesures importantes, mais pas disproportionnées au point de créer plus de dégâts que ceux qu'on essaie d'éviter
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Vincent Cherpillod