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La succession d’étés secs qui touche l’Arc jurassien depuis 2015 inquiète

Les lacs et cours d'eau de l'arc jurassien paient un lourd tribu à la sécheresse
Les lacs et cours d'eau de l'arc jurassien paient un lourd tribu à la sécheresse / 19h30 / 2 min. / le 10 septembre 2020
Après un printemps déjà sec, l’Arc jurassien a connu un été avec très peu de précipitations, jusqu’à 40% de moins que la moyenne. Il s’agit du sixième été consécutif avec un déficit pluviométrique. Le manque d’eau se ressent dans plusieurs domaines et inquiète la région.

"La dernière fois qu’on a eu des précipitations notables, c’était en 2014", atteste Lionel Fontannaz, météorologue à MétéoSuisse, jeudi dans le 19h30. "On a eu des étés particulièrement chauds et secs depuis 2015 environ et sur l’Arc jurassien, l’activité orageuse a été un peu moins marquée que sur les Alpes, ce qui explique en partie cette différence."

La combinaison entre étés très chauds et diminution des précipitations a tendance à augmenter la fréquence des sécheresses. A cela s'ajoute une spécificité bien jurassienne, l’état des sols: "Le Jura est un karst, une région calcaire, et lorsque la pluie tombe sur ce karst, c’est une passoire, l’eau n’est vraiment pas retenue", explique le météorologue.

Le Lac des Brenets n’est plus qu’un filet d’eau

Le Lac des Brenets, au nord du canton de Neuchâtel, n’est plus qu’un mince filet d’eau au milieu d’un désert de limon. Plus bas, le Doubs dévoile ses falaises. Il est presque 8 mètres au-dessous de son niveau normal, constate Yvan Durig, directeur de la compagnie de navigation sur le lac des Brenets.

Cette année encore, le directeur a dû adapter le parcours de son bateau touristique, le seul encore en activité, ses deux autres embarcations étant échouées dans la vase. C'est un nouveau coup dur: "En 2018, on a été impacté d’environ 10'000 passagers. Cette année, étant donné le Covid, des groupes avaient repoussé pour le mois de septembre. Maintenant, on se rend compte qu’on va être confrontés à cette sécheresse", déplore-t-il.

Le Doubs à la hauteur des Brenets en octobre 2018. [Keystone - Anthony Anex]
Le Doubs à la hauteur des Brenets en octobre 2018. [Keystone - Anthony Anex]

Une solution pourrait être de boucher artificiellement les fissures de ces sols karstiques pour éviter l'écoulement de l’eau. "On a une faille dans le dernier bassin au Saut du Doubs, ce qui fait que le lac baisse de 18 centimètres par jour quand on n’a pas d’apport d’eau", explique Yvan Durig. "Une équipe de plongée va venir analyser le fond du lac pour essayer, peut-être, de trouver une solution de colmatage."

Les pêcheurs s’inquiètent

"Les débits sont extrêmement bas", ne peut que constater Ami Lièvre, vice-président de la Fédération cantonale des pêcheurs jurassiens. "Chaque année, on est de plus en plus étonnés de la situation." Reste que pour l’heure, le pêcheur et député jurassien n’a pas constaté de dégâts dans les populations de poissons des rivières: "On a fait des pêches électriques de sondage la semaine dernière et on n’a pas vu de mortalité. Même les ombres, qui sont les poissons les plus sensibles à la température, étaient présents", indique-t-il.

Reste l’inquiétude avec les températures estivales annoncées ces prochaines semaines: "On est inquiets bien sûr. La chance qu'on a maintenant, c’est que les nuits sont froides, les températures ne vont plus monter à 23-24 degrés comme cet été, ce qui était insupportable pour la truite et l’ombre."

Les arbres souffrent

Ces années de sécheresses consécutives frappent de plein fouet les forêts de l’Arc jurassien. "Les précipitations ne sont pas réparties sur toute l’année, il y a des grosses précipitations à un moment donné et puis plus rien pendant deux mois. C'est là vraiment que ça pose problème, car les arbres n’arrivent plus à pomper l’eau dans le sol", explique Nicolas Joss, ingénieur forestier ForetNeuchâtel.

Conséquence: il faut abattre prématurément des arbres devenus trop secs, pour des raisons de sécurité avant tout, aux alentours des chemins. Un crève-cœur pour Yannick Badertscher, forestier-bûcheron indépendant, et qui a aussi des conséquences économiques: "Cela met beaucoup de bois sur le marché, du bois qui perd sa valeur en étant sec."

Une solution pourrait être de changer les essences par le rajeunissement naturel. "Actuellement, ce sont les hêtres et les sapins blancs qui sèchent beaucoup, des essences très représentées dans nos forêts", continue Nicolas Joss. "On pourrait gentiment les remplacer, avec le chêne principalement, une essence très résistante qui a fait ses preuves."

Des étés secs qui pourraient devenir la norme

Selon Lionel Fontannaz, ces étés plus secs dans l’Arc jurassien pourraient devenir la norme sans mesures de protection du climat: "Il est possible peut-être que 2021 ou 2022 créent la surprise avec un été particulièrement pluvieux et humide, mais ça devrait devenir l’exception si on ne change rien dans nos émissions de gaz à effet de serre", estime le spécialiste.

Elodie Botteron/vic

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