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Faux départ pour le procès des 14 millions de pots-de-vin dans l’horlogerie

Ouverture d'un procès hors-norme sur la corruption dans l'horlogerie. [Keystone - Georgios Kefalas]
Ouverture d'un procès hors-norme sur la corruption dans l'horlogerie / Le 12h30 / 2 min. / le 26 août 2021
C’est un procès hors-norme sur la corruption dans l'horlogerie qui s’est ouvert jeudi matin à La Chaux-de-Fonds. Mais en l’absence du présumé corrupteur, il a été suspendu en début d’après-midi.

C’est peu après 13h50 que le président du Tribunal criminel du Tribunal régional des Montagnes et du Val-de-Ruz a pris sa décision. Une décision attendue et voulue, chose rare, par l’ensemble des protagonistes de cette affaire: la procureure, la partie plaignante, la défense.

Il faut dire qu’en l’absence du personnage clé de ce dossier, un homme d’affaires prévenu de corruption active pour avoir versé quelque 14 millions de francs à trois anciens cadres de Tissot et Calvin Klein Watch, il semblait difficile de mener à bien ce procès.

C’est pour cette raison qu’en ouverture des débats, jeudi matin, les avocats de la défense ont demandé le renvoi du procès. L’affaire semblait pliée, mais le tribunal a tergiversé provoquant ainsi l’incompréhension des parties à la procédure.

Le principal accusé est au Vietnam

Le procès suspendu, on ne sait pas quand il reprendra. Pour l’heure, le présumé corrupteur, un Français d’origine chinoise âgé de 50 ans, se trouve au Vietnam. Selon son avocat, Me Philippe Grumbach, il est très difficile de sortir du Vietnam en raison de la situation sanitaire, et il est impossible de rentrer dans ce pays.

Selon l’acte d’accusation, et pour faire simple, cet homme d’affaires a versé des pots-de-vin à trois anciens employés du groupe Swatch pour poursuivre sa collaboration avec Tissot et Calvin Klein. De source proche du dossier, il vendait des glaces saphir, ces vitres que l’on trouve sur certaines montres, à des fournisseurs de Swatch. Il était donc un sous-traitant.

D’après nos informations, ce prévenu ne conteste pas avoir versé des montants conséquents aux anciens cadres du groupe horloger. Ces derniers, poursuivis pour corruption passive, ne contestent pas non plus avoir reçu ces montants.

Qui dit vrai?

Mais les prévenus balaient les accusations de corruption. De sources recoupées, l’ancien responsable des achats du groupe Tissot explique avoir ouvert des portes au Français d’origine chinoise en lui présentant des personnes qui comptent. Et c’est pour le remercier que le Français lui aurait versé quelque 13 millions de francs entre 2006 et 2015. Cet échange de bons procédés n’aurait causé aucun préjudice au groupe Swatch.

Qui dit vrai dans cette affaire ? Pour le savoir, il faudra patienter. Ce qui est sûr, c’est que la procureure Vanessa Guizzetti Piccirilli va devoir remettre l’ouvrage sur le métier. Son acte d’accusation de huit pages, qui résume les infractions reprochées aux uns et aux autres, a été critiqué par tous les avocats, y compris celui de la partie plaignante.

Le président du Tribunal lui a donc demandé de compléter son acte d’accusation. Il a souhaité que les infractions soient traitées séparément dans le document, que leur degré de réalisation soit précisé ainsi que le lieu où elles auraient été commises.

La procureure devra faire preuve de célérité. Le risque de prescription est en effet important pour certains faits, notamment ceux liés à la corruption. Dans le petit monde de l’horlogerie, il se murmure que personne n’a vraiment intérêt à un grand déballage sur le business avec la Chine, tant du côté des accusés que de la partie plaignante. Jusqu’ici le groupe Swatch est resté très silencieux sur cette affaire.

Fabiano Citroni et Ludovic Rocchi

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