Ces deux degrés supplémentaires en période de végétation - d'avril à octobre - ne sont pas anodins pour la viticulture du littoral. Pour l'heure, ce réchauffement peut même être qualifié de bénéfique pour la qualité et la réputation des vins produits dans le canton.
"On n'est pas dans une situation dramatique. On a des solutions possibles. Finalement, la situation est relativement confortable, mais les modifications du climat impliquent qu'on aura peut-être besoin de certains changements", explique Valentin Comte, doctorant en climatologie appliquée à l'Université de Neuchâtel, dans le 12h45.
Car d'ici 2050, la température de la région pourrait prendre deux degrés supplémentaires. Conséquence: d'un climat viticole historiquement froid, le canton de Neuchâtel pourrait basculer dans un climat chaud.
Planter plus haut ou d'autres cépages
Depuis trois ans, Valentin Comte cherche à comprendre comment le vignoble neuchâtelois devrait s'adapter à ce changement. Jeudi, il a présenté ses résultats aux vigneronnes et vignerons de la région.
"Les pinots noirs sont implantés en bas du canton, au bord du lac dans des zones très chaudes. On aurait peut-être intérêt à les voir se déplacer plus haut en altitude, vers 700 mètres - contre 500 mètres actuellement - pour gagner en fraîcheur", développe le chercheur, également interrogé dans La Matinale.
Autre solution proposée, cultiver d'autres sortes de cépages, qui apprécient des climats plus chauds. "On pourrait changer de type au profit de cépages plus thermophiles. C'est le cas, par exemple, du merlot, du malbec, de la syrah ou du cabernet", détaille Valentin Comte.
Pour le climatologue, l'idéal serait même de combiner les deux solutions, mais cela impliquerait un changement des habitudes de consommation, dans un canton où le pinot noir est roi, représentant 55% du vignoble neuchâtelois.
La vigne, cette plante résistante
Vigneron-encaveur à Boudry, François Gasser travaille avec une quinzaine de cépages, dont du merlot, qu'il cultive depuis une quarantaine d'années. Il n'est pas certain que cette espèce est celle qui résistera le mieux au changement climatique.
Dans La Matinale, le Boudrysan se dit inquiet pour l'évolution de son métier, mais il estime que la vigne est plus résistante que d'autres fruits et légumes. "Avant de changer de cépages, je pense qu'il faut s'interroger sur le sort d'autres espèces, comme les salades ou les pommes, qui sont plus sensibles au changement climatique que la vigne, qui est une plante des régions arides."
De son côté, Olivier Lavanchy est également sceptique, notamment au regard de la météo: "Planter des cépages beaucoup plus tardifs pour éviter que le raisin ne soit trop mûr, c'est toujours difficile. Si vous avez une année comme 2021, ça ne va pas mûrir. Que faire du raisin? On risque de ne pas avoir la qualité recherchée."
"L'étude valide nos impressions"
Quoi qu'il en soit, cette étude neuchâteloise pousse le monde viticole à la réflexion. "J'ai trouvé cette présentation intéressante. Elle valide nos impressions pour la suite", déclare Yann Van Vlaenderen, ingénieur oenologue au Château d'Auvernier.
Et de développer: "Il est sûr que ce n'est pas pour l'année prochaine, ni la suivante, mais pour l'avenir, les générations suivantes. On va pouvoir réfléchir à tout ça, que ce soit dans le choix des portes-greffes et dans les méthodes culturales."
Les chercheurs de l'Unine travaillent actuellement à faciliter l'accès à leurs résultats. Objectif: appuyer les viticulteurs dans leurs réflexions sur l'avenir du vignoble neuchâtelois.
Deborah Sohlbank / Léa Jelmini
Adaptation web: Jérémie Favre