Dans une lettre envoyée aux partis politiques, l'Association des magistrats judiciaires neuchâtelois leur demande de renoncer à solliciter des cotisations auprès des juges et des procureurs. Elle recommande aussi à ses membres de ne plus verser de contribution obligatoire.
En Suisse, les magistrats sont généralement élus par le Parlement et sont donc très souvent affiliés à un parti politique. L'argument de l'association neuchâteloise ne serait pas d'ordre financier, mais concernerait surtout l'indépendance des juges et des procureurs.
"L'indépendance du magistrat est quelque chose d'important, notamment vis-à-vis du pouvoir politique. On sent aussi que le climat a changé. On assiste à des critiques au niveau européen, ou même au niveau suisse. Même si dans le travail quotidien, ils ne sont pas entravés par les partis politiques, l'image que cela peut donner auprès de la population, ce lien financier est problématique justement pour cette question d'indépendance", explique Marc Rémy, président de l'association, jeudi dans La Matinale.
Jusqu'à 20% du salaire net en Valais
De leur côté, les partis politiques insistent sur le fait qu'ils n'ont jamais attenté à l'indépendance de leurs magistrats. Ils jugent toutefois qu'à partir du moment où les élections sont politisées, il n'est pas choquant de demander ou d'exiger une participation financière aux candidats qui se réclament d'une étiquette politique.
Le Parti socialiste valaisan réclame 20% du salaire net des juges cantonaux. Dans le canton de Neuchâtel, le PS, par exemple, exige entre 2000 et 3000 francs par année de ses magistrats.
"Cela correspond à environ 30'000 francs sur nos comptes annuels, soit entre 4% et 10% de nos charges. C'est vrai que c'est un montant considérable. On ne va pas faire faillite pour autant, mais il est clair que c'est un changement sensible par rapport à la situation qui prévalait", détaille Romain Dubois, président du PS neuchâtelois, dans La Matinale.
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Statu quo voulu par le National
En Valais et à Fribourg, le PS est confronté à une juge cantonale et une juge de district qui rechignent à payer cette taxe, au point que cela suscite un certain embarras. Il semble plus difficile pour les partis de se montrer ferme avec des juges qu'avec des parlementaires, dans la mesure où les magistrats sont moins intégrés dans la vie des partis que les politiciens.
Alors un juge peut-il finir aux poursuites s'il ne verse pas sa contribution? "Non, à Neuchâtel il n'y a pas ce risque-là. Nous n'avons pas du tout une approche offensive, il y a beaucoup plus la volonté de discuter avec l'ensemble de nos magistrats. Une rencontre a été agendée en octobre pour en discuter de manière ouverte", précise Romain Dubois.
Il reste maintenant à voir si la velléité de réforme d'une partie de la magistrature va déboucher sur un réel changement de paradigme. En ce qui concerne les juges fédéraux, le statu quo est bien parti. Il y a un mois, le Conseil national a refusé une intervention PLR qui souhaitait interdire tout lien financier entre des juges et leur parti.
Sujet radio: Romain Carrupt
Adaptation web: Jérémie Favre