Cette réduction d’effectifs, vécue comme un paradoxe chez les soignants, est justifiée afin d'atteindre "la dotation minimale pour permettre à l'hôpital cantonal d'assurer ses missions de santé publique".
Les cadres de l'hôpital ont été informés de cette décision en amont durant une séance qui a eu lieu mardi soir. Selon des témoignages recueillis par la RTS, l’ambiance au moment de l'annonce était glaciale, l'audience était sidérée.
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Un sentiment de "perte de sens"
La présentation qui accompagnait la séance est également pointée du doigt. Elle montrait une centaine de petits bonhommes en pictogramme. La majorité était présentée en vert, mais certains bonhommes étaient en rouge.
Cette image a été vécue comme quelque chose de violent d'un point de vue symbolique. "On est déjà dans une situation palliative, comment imaginer faire encore des coupes?", témoigne un médecin jeudi dans Forum. Il ressent, comme beaucoup de ses collègues, une perte de sens dans son métier.
La saturation de l'hôpital fait également partie des problèmes pointés du doigt. En cause, notamment, ces fameux "lits C", occupés par des personnes qui attendent d'être placées en EMS, qui sont eux-même engorgés. "C'est inédit qu'un hôpital diminue sa charge salariale alors que son activité augmente", témoigne une infirmière cheffe.
Des collègues en pleurs
Autre nouveauté pour elle, en 30 ans de carrière, des collègues qui se blessent physiquement et dont le corps craque sous la pression. Mais aussi des collègues qui prennent leur poste en pleurant. "On a l'impression d'être maltraitants avec nos collaborateurs et on leur demande d'être bienveillants avec les patients", poursuit-elle.
Une dotation minimale d'un personnel déjà à bout pourrait avoir une influence sur la prise en charge des patients. Pour Vincent della Santa, chef du service des Urgences, cela ne fait aucun doute: il y a de plus en plus de brèches de sécurité et la qualité des soins est régulièrement impactée.
Il prévient: ce serait une erreur de croire que la Suisse sera toujours préservée. "On se rapproche de ce qui se passe en France." Il estime toutefois que la barre peut encore être redressée.
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Tension extrême
Interrogé jeudi dans l'émission Forum, Laurent Kurth, conseiller d’Etat neuchâtelois en charge de la Santé et des Finances, dit comprendre le désarroi et la colère du personnel soignant. Selon lui, c'est tout le système de santé qui doit être repensé.
"Personne à Berne n’élabore des plans pour assurer le financement des systèmes de santé. Cette question doit être traitée de manière très générale (...) Le domaine de la santé est dans une situation de tension extrême."
Pour le conseiller d'Etat, la question n'est toutefois pas seulement financière. C'est aussi une question de "redéfinition des priorités". Selon lui, il faut repenser toute l’architecture du système de santé.
Les médecins neuchâtelois ont d'ores et déjà annoncé vouloir rencontrer Laurent Kurth. Et, surtout, participer aux discussions qui doivent aller vers un changement du système.
Deborah Sohlbank/hkr