Pour pallier la saturation de son système de soins, Neuchâtel prend des mesures d'urgence

"La situation reflète un retard d'adaptation du système de santé et un besoin de rattrapage qui s'exprime à la sortie de la crise pandémique", a indiqué vendredi à Neuchâtel le conseiller d'Etat Laurent Kurth, en charge du dossier.

Publié vendredi, l'arrêté urgent impliquera des moyens financiers additionnels, avec un crédit de 2 millions de francs, a précisé le ministre, également grand argentier cantonal. Les réquisitions peuvent porter sur du matériel, des locaux et du personnel, avec par exemple la suspension d'actes médicaux pour dégager des capacités.

Alors qu'une triple épidémie virale (bronchiolite, grippe et coronavirus) se répand en Suisse et que le système de santé neuchâtelois est saturé, les moyens sont insuffisants, explique vendredi Laurent Kurth dans l'émission Forum de la RTS.

"Des décisions de façon un peu plus autoritaire seront peut-être nécessaires", prévient-il. "On espère évidemment les éviter", ajoute l'élu. Concrètement, cela signifie par exemple que "des médecins, des infirmières et infirmiers indépendantes ou des institutions" pourraient être mises à contribution.

>> L'interview de Laurent Kurth dans Forum :

Cri d'alarme au RHNe

Les médecins de garde et les médecins indépendants devront le cas échéant faire preuve de disponibilité pendant les vacances de fêtes de fin d'année.

Les difficultés ont poussé Claire Charmet, directrice du site de La Chaux-de-Fonds du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe), à lancer un "cri d'alarme", selon Laurent Kurth. Le RHNe affronte 50 à 70 entrées stationnaires par jour, contre 40 habituellement. Le tout dans un contexte de pénurie et d'épuisement du personnel soignant.

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Pointe de l'iceberg

A l'autre bout de la chaîne, avec le bouchon dans les hôpitaux, les EMS traversent eux aussi une situation "critique". "On pédale comme des malades en faisant du sur-place", a averti Fabienne Wyss Kubler, secrétaire générale de l'Association neuchâteloise des établissements et maisons pour personnes âgées.

Des lits y ont été supprimés pour répondre aux efforts de maintien à domicile. Les difficultés du RHNe constituent la "pointe de l'iceberg", a décrit Vincent Huguenin-Dumittan, chef du Service cantonale de la santé publique. "Sans un dialogue permanent entre les acteurs du secteur, le contexte serait encore plus délicat".

Laurent Kurth indique dans Forum que le Conseil d'Etat neuchâtelois a sollicité en urgence la Commission financière du Grand Conseil pour obtenir des crédits complémentaires. Cet argent doit permettre de financer des places supplémentaires dans les EMS "dès les prochains jours". Il pourrait également servir à équiper d'anciens sites hospitaliers, jusqu'alors en réserve pour faire face à la crise migratoire. "On est en train de les envisager comme lieux de prise en charge complémentaires, si d'aventure l'hôpital devait être débordé. On est aujourd'hui aux limites de ce que peut faire l'hôpital dans notre canton", souligne le magistrat.

Faire évoluer le système

Parmi les problèmes figurent le nombre élevé de patients en attente d'un passage du RHNe à un EMS, avec 60 lits C il y a dix jours, et la pénurie de médecins de famille, dont les conditions d'installation se sont compliquées récemment pour les étrangers. Laurent Kurth a écarté toute lenteur dans les réponses.

Il existe aussi un dialogue avec les acteurs privés, comme les cliniques privées. Quant aux transferts de patients vers d'autres cantons, ils apparaissent impossibles, ces derniers rencontrant un contexte similaire, a constaté Laurent Kurth, qui estime que l'arrêté urgent accélérera la prise de conscience du phénomène.

Au-delà, Neuchâtel doit travailler à une évolution de son système de soins, en intégrant la démographie stagnante et vieillissante du canton. La part des personnes âgées de plus de 80% y représente 5,7% de la population, contre 5,1% en moyenne suisse. Celle des ménages à une personne y atteint en outre 39,1%, contre 35,5%.

ats/hkr