Modifié

Plus de 14 ans de prison requis pour une tentative de féminicide

Neuchâtel: l'homme qui a enlevé sa femme pour tenter de la tuer a justifié vouloir mourir à deux
Neuchâtel: l'homme qui a enlevé sa femme pour tenter de la tuer a justifié vouloir mourir à deux / Forum / 2 min. / le 1 novembre 2023
Le Ministère public a requis mercredi 14 ans et sept mois ans de prison contre le quinquagénaire accusé de tentative de féminicide dans les Montagnes neuchâteloises en 2022. Une mesure d'internement est demandée. Le prévenu avait tenté de se suicider et de tuer son épouse en jetant sa voiture dans le vide aux Roches-de-Moron (NE).

"Cette affaire est arrivée après des années de souffrance. La victime ne voyait pas le bout du tunnel de ses violences", a déclaré le procureur général adjoint, Nicolas Aubert devant le Tribunal criminel des Montagnes neuchâteloises. Le Ministère public requiert une expulsion de 15 ans du territoire suisse du prévenu d'origine portugaise.

La victime "était une femme terrorisée et menacée de mort au quotidien", a ajouté le procureur. Depuis 1998, elle recevait des coups et des gifles. Depuis septembre 2021, "elle a subi les assauts sexuels quotidiens de son mari. Elle devait s'y soumettre, sinon elle se faisait frapper".

Après l'avoir menacée et enlevée, le prévenu avait tenté de tuer son épouse en jetant sa voiture dans le vide aux Roches-de-Moron, un point de vue dominant le Doubs, le 15 février 2022. La voiture a plongé de 135 mètres et s'est immobilisée en contrebas grâce à des arbres. "C'est un miracle si la victime et le prévenu s'en sont sortis vivants", a déclaré le Ministère public.

Selon l'expertise psychiatrique, au moment de passer à l'acte, le prévenu était "dans un état de jalousie extrême". Il avait un "discernement altéré de manière partielle, ce qui nécessite de réduire sa responsabilité de manière légère".

>> Lire : "Faits inouïs et imprévisibles" de l'homme qui a enlevé sa femme pour tenter de la tuer

Comme sur une pierre tombale, "il avait inscrit les deux dates de naissance et de mort sur son bras", a ajouté le procureur. "Il voulait la tuer et se tuer et avait même dit à sa femme que s'ils s'en sortaient vivants, il la retrouverait pour la tuer".

Acte prémédité ?

Alors que le Ministère public a retenu uniquement la tentative de meurtre, pour Didier de Oliveira, avocat de l'ex-épouse, il s'agit d'une tentative d'assassinat. Le prévenu a fait preuve "du plus grand mépris pour sa femme et d'un égoïsme primaire. L'acte était prémédité. L'intention de tuer était réfléchie des semaines avant les faits. L'accusé a répété tous les jours qu'il allait la tuer".

Au soulagement des parties plaignantes, le Ministère public a requis une mesure d'internement. "Il n'a aucune prise de conscience de la gravité de ses actes, aucune empathie envers les victimes et est imperméable à tout traitement", a expliqué Nicolas Aubert. Le risque de récidive est très élevé.

"Ma cliente est terrorisée à l'idée qu'il sorte de prison", a expliqué Didier de Oliveira. Ce dernier réclame 150'000 francs de tort moral. Selon l'avocat des fils du prévenu, Jean-Marie Röthlisberger, le prévenu n'assume aucun de ses actes et n'arrête pas de dire qu'il n'est pas fautif, a-t-il précisé.

Pour la défense, "ce drame a détruit une famille. Il a été provoqué par la folie d'un homme qui est passé du statut de l'honnête travailleur à celui du criminel qui a tout perdu", a expliqué l'avocat d'office du prévenu Baptiste Hurni.

Le prévenu se croit ensorcelé

L'accusé, qui souffrait de dépression et qui pensait que sa femme le trompait, était convaincu qu'il était victime d'un sort de sorcellerie car sa femme avait fait appel à une cartomancienne, a ajouté Baptiste Hurni.

Durant l'audience, le quinquagénaire a déclaré: "J'ai pensé, si je dois mourir, la personne que j'aime doit mourir avec moi." Le prévenu a ajouté qu'il avait pris un couteau pour parler à son épouse car elle était très arrogante. Un des fils de l'accusé, présent à ce moment-là, et sa femme ont été blessés par le couteau en voulant se défendre.

Selon Baptiste Hurni, le prévenu s'en est voulu d'avoir blessé son fils car il ne pensait pas qu'il serait là. "Il était en proie à des émotions violentes. Il ne savait pas où il allait. D'ailleurs. durant le trajet en voiture jusqu'aux Roches-de-Moron, il part, s'arrête, change de direction et repart."

Selon la défense, il n'y a donc ni préméditation, ni tentative d'assassinat. Les viols et les menaces aggravées sont aussi contestés. "Le mobile du prévenu - qui croit être ensorcelé et qu'il mourra en février - est le désespoir", a ajouté Baptiste Hurni. La défense s'en remet au tribunal pour fixer la quotité de peine mais rejette l'internement au profit d'une mesure thérapeutique.

Le verdict tombera vendredi à 09h30.

ats/juma

Publié Modifié

Port du bracelet électronique en débat

Cette tentative de féminicide avait relancé le débat sur le port du bracelet électronique, même si, à l'époque, les autorités judiciaires avaient souligné le caractère imprévisible des évènements.

Depuis, Neuchâtel mène un projet pilote avec d'autres cantons. Il vise à juger de la pertinence du bracelet électronique pour les auteurs de violences domestiques.

>> Voir le sujet du 19h30 sur le port du bracelet électronique en Suisse pour protéger les victimes :

Violences domestiques: le bracelet électronique testé en Suisse pour protéger les victimes
Violences domestiques: le bracelet électronique testé en Suisse pour protéger les victimes / 19h30 / 2 min. / le 26 mai 2023