Le SEM doit indemniser un canton même après un refus légitime de renvoyer un requérant d'asile
La Confédération devra donc bel et bien indemniser le canton de Neuchâtel, malgré son refus d'expulser un requérant d'asile arrivé en 2016. Le Tribunal fédéral a édicté jeudi un arrêt en ce sens. Il casse ainsi une décision du Tribunal administratif fédéral, qui avait rejeté deux recours du canton de Neuchâtel en juillet 2022.
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Ce ressortissant érythréen, au sujet duquel le SEM a refusé d'entrer en matière sur une demande d'asile, devait être expulsé en Italie dans le cadre de la procédure Dublin. Mais à l'issue d'un délai imparti de six mois, constatant qu'il n'avait pas été renvoyé de Suisse, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a refusé de poursuivre le versement des subventions fédérales censées compenser la prise en charge.
Or, ce délai avait été octroyé par le canton pour permettre à l'intéressé d'être présent lors de la naissance de son enfant. Les autorités neuchâteloises ont ainsi évité la séparation d'une famille qui existait déjà avant l'entrée en Suisse, ce que le SEM a reconnu dans le cadre de la procédure d'asile ordinaire ultérieure.
Violation potentielle d'engagements internationaux
En agissant ainsi, Neuchâtel a créé une situation conforme au droit et aux obligations internationales. Il existe donc un motif excusable pour la violation des obligations du canton lors de l'exécution du transfert, juge le Tribunal fédéral. Par la suite, le SEM avait fini par octroyer le statut de réfugié à cet Erythréen, sa femme et leur enfant.
Cette décision montre que les cantons ont malgré tout leur mot à dire dans les procédures de renvoi, qu'ils sont tenus par la loi de mettre en oeuvre, et clarifie leur marge de manoeuvre, souligne l'ancienne conseillère d'Etat socialiste vaudoise Cesla Amarelle, professeure de droit des migrations à l'Université de Neuchâtel.
"Avec cette jurisprudence, on constate qu'en cas de constatations inexactes et incomplètes des faits pertinents [de la part du SEM, pour justifier un renvoi, ndlr], il y a la possibilité pour le canton de ne pas exécuter le renvoi. D'autant qu'on est devant une violation potentielle d'engagements internationaux importants, soit l'intérêt supérieur de l'enfant à naître et la protection de l'unité la famille dans le cadre d'un renvoi", expose-t-elle.
L'arrêt du Tribunal Fédéral met aussi en lumière ce champ de tension qui existe entre Berne et les cantons dans l'application de la procédure d'asile.
jop avec ats et rb