Les cloches de la Chaux-de-Fonds ont retenti à l'unisson mercredi, un an jour pour jour après la violente tempête qui s'est abattue sur la cité horlogère. Elles ont sonné pendant 6 minutes et 30 secondes, soit la durée effective de la tempête qui a ravagé la cité horlogère le 24 juillet 2023.
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Tout a débuté à 11h21: "Tout d'un coup, on reçoit plein d'alarmes. Je dis à mon personnel: 'Vous allez tous vous équiper en tenue feu et on attend de voir pour prioriser les interventions'". Grégory Duc, commandant du service d'incendie et de secours des Montagnes neuchâteloises, était aux premières loges pour assister à la tempête d'une extrême violence qui s'est abattue sur sa région (lire encadré).
Grégory Duc endosse alors le rôle de chef d'intervention général. Il embarque dans un hélicoptère pour survoler la zone et saisir l'ampleur des dégâts. Il se souvient d'avoir trouvé particulièrement poignant de voir le désespoir de certaines personnes au sol.
Au niveau humain, le bilan fait état de plusieurs blessés, dont certains grièvement, et d'un décès, un homme tué dans sa voiture écrasée par la chute d'une grue à proximité de la gare.
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Des bâtiments à réparer
Au-delà du bilan humain, la tempête a engendré d'importants dégâts matériels. La maison de Geneviève Fleury était sur le passage de la tempête. "Il y a même des murs qui sont tombés à l'intérieur. Toutes les fenêtres sont cassées, tout est arraché. C'est apocalyptique. On dirait qu'il y a eu la guerre. C'est impressionnant", témoignait-elle alors à la RTS.
Une année plus tard, sa maison est comme neuve ou presque. "On a eu l'impression de tout reconstruire. Il y a eu de la maçonnerie, de la peinture, le carrelage en bas, le balcon, le toit", énumère-t-elle, en évoquant le temps que prennent toutes les démarches. "Il faut suivre la situation: tous les jours il y a un appel, soit avec l'assurance, soit l'expert en assurance, soit les entrepreneurs..."
Au total, les dommages causés aux bâtiments sont estimés à 117,15 millions, selon l'Etablissement cantonal d'assurance et de prévention (ECAP), avec 2989 sinistres déclarés. Les assureurs privés ont dû verser des dizaines de millions de francs, avant tout pour des véhicules.
Des milliers d'arbres déracinés
La nature a également payé un lourd tribut à la tempête. Plus de 2500 arbres urbains ont ainsi été touchés. Les dégâts aux arbres se chiffrent à 5,25 millions de francs.
Mais la Ville a pu compter sur la solidarité: La Chaux-de-Fonds a reçu 4,6 millions de francs de promesses de dons ou d'argent versé sur les trois fonds ouverts par la Ville, en faveur des arbres, des parcs ou de la reconstruction.
Yves Tissot, Sylviane et Daniel Musy ont fondé dans l’urgence l’association "Des arbres pour rêver demain", qui a réussi à récolter 1,25 million de dons supplémentaires. "C'est le paradoxe de cette tempête. Elle a quasi tout détruit, mais la reconstruction se fait dans une forme d'optimisme, de travail en commun, sinon même de joie et de bonheur", constate Yves Tissot dans La Matinale.
"Au niveau sécurité, on n'a rien à se reprocher, car personne n'aurait pu imaginer une telle tempête sur une ville et pas au sommet d'une montagne. C'était complètement hors normes. Dans l'ensemble, la ville a bien résisté en regard de la violence des événements", déclare à Keystone-ATS Jean-Daniel Jeanneret, conseiller communal de La Chaux-de-Fonds.
Une année après, on "reste toujours anxieux face à la météo qui pourrait arriver. En hiver, on était habitué aux météos extrêmes, mais maintenant on a aussi de l'appréhension l'été", ajoute celui qui était au front lors de cette catastrophe.
Reportages radio: Romain Bardet, Deborah Sohlbank, Stéphane Deleury
Adaptation web: Victorien Kissling
Une tempête sous les radars des météorologues
"On avait déjà un œil sur les premiers développements orageux le matin, parce qu'on voyait qu'il y avait des cellules un peu virulentes pour un matin, mais elles ne montraient pas de signature particulièrement menaçante", se souvient Aude Untersee, météorologue chez MétéoSuisse, en poste ce 24 juillet 2023.
Soudain, une valeur exceptionnelle s'affiche sur leurs écrans: une rafale de 217 km/h mesurée par l'anémomètre de météo à l'aéroport des Eplatures. "On n'y croyait pas, c'est en dehors des limites de mesures de l'instrument. Mais dans les minutes qui ont suivi, on a reçu plein de téléphones en salle de prévision et beaucoup de photos partagées dans l'application: des camions renversés, des toitures envolées, des arbres couchés... C'est là qu'on a compris" l'ampleur du phénomène.
Mais pour comprendre ce qu'il s'est réellement passé ce jour-là, MétéoSuisse a enquêté durant plusieurs mois: enquête sur le terrain, images aériennes et analyse de la position des arbres déracinés.
"En réalité, deux phénomènes venteux se sont conjugués. On pourrait faire l'analogie pour expliquer ce concept hybride d'une toupie dans une machine à laver: l'orage supercellulaire est lui-même la machine à laver en rotation, et à l'intérieur on va avoir une toupie, en l'occurrence une petite circulation tornadique", image Aude Untersee.
La tempête devient oeuvre d'art
L'artiste valaisan Rémi Bender a passé un mois à La Chaux-de-Fonds après la tempête dévastatrice. Il a été marqué par les scènes de désolation, notamment un arbre déraciné révélant des pierres calcaires, vestiges d'un ancien océan. Ces éléments ont inspiré son œuvre "Sédiments sonores", exposée lors de la Biennale d'art contemporain au Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds.
L'œuvre, qui combine le son apaisant des pierres calcaires frottées entre elles, a été très bien accueillie par le public et a remporté le prix du public. David Lemaire, directeur du musée, souligne que cette création touche par sa capacité à mêler différentes temporalités et à symboliser la résilience après la catastrophe.