L’annonce du départ à l’amiable du directeur du laboratoire neuchâtelois Admed cache une grave dérive financière
C’est sans doute du jamais vu dans le monde de la santé: le directeur de la Fondation Admed a dépensé des milliers de francs par mois en repas et boissons dans les meilleures tables du canton de Neuchâtel et au-delà. Selon des informations de la RTS, l’exemple le plus frappant concerne un repas à 3000 francs pour quatre personnes avec neuf bouteilles de vins haut de gamme et des spiritueux. C’est la note que le directeur général d’Admed a payé en 2023 avec sa carte de crédit professionnelle comme un repas d’affaires.
Le problème, c’est que cette facture record de 3000 francs en cache d’autres. Selon de nombreux témoignages, le directeur d’Admed est connu dans nombre d’établissements publics comme un client fort généreux et amateur des meilleures bouteilles. Apparemment autorisé à dépenser sans compter, il a très régulièrement fait passer comme frais professionnels des notes de restaurants se comptant chaque fois en centaines de francs et dépassant parfois les 1000 francs. Rien que pour les six premiers mois de l’année 2024, près de 40'000 francs de notes de frais ont été facturés.
Des comportements potentiellement dysfonctionnels
Se pose évidemment la question du contrôle et des limites posées normalement pour les cadres de ce niveau par leur organe de surveillance. Le directeur n’a pas donné suite aux questions de la RTS sur la manière dont étaient validées et justifiées ses dépenses. De son côté, le conseil de fondation renvoie au communiqué du jour, qui ne dit rien des dérives et se mure dans le silence, à commencer par sa présidente Muriel Desaulles. Elle se refuse à expliquer comment un tel train de vie a pu être possible. Muriel Desaulles est aussi co-directrice de Réseau Hospitalier neuchâtelois, principal client du laboratoire Admed, qui tire donc l’essentiel de ses revenus des primes maladie et de l’argent des contribuables.
Les notes de frais somptuaires du directeur ne sont pas les seuls problèmes pour le laboratoire régional d’analyses et de diagnostic. Tout d’abord, Admed est entré dans le cycle des chiffres rouges depuis 2023, alors qu’historiquement le laboratoire rattaché à l’hôpital public a toujours été bénéficiaire. Ensuite, les comportements potentiellement dysfonctionnels du directeur au travail, spécialement au retour de ses fameux repas d’affaires, ont été dénoncés par de nombreuses personnes employées par Admed et ont participé à déclencher un audit l’été dernier. Le communiqué publié cet après-midi par le conseil de fondation ne dit rien de ces reproches. Tout au plus il est évoqué que le départ du directeur doit permettre que "chacun puisse retrouver une forme de sérénité, au vu notamment de la cristallisation des clivages existants au sein de l’équipe".
Guerre des clans
La réalité, c’est qu’au sein de la fondation Admed, qui emploie plus de 200 personnes, une véritable guerre des clans s’est enclenchée surtout au niveau des cadres, entre fidèles du patron et celles et ceux qui ont participé à dénoncer une dérive devenue inacceptable. Pour ce camp, le sentiment qui prévaut est que le patron a été trop longtemps couvert, avec les félicitations du conseil de fondation et le versement de primes jusqu’à récemment encore.
A l’inverse, le directeur général et ses supporters estiment qu’il s’agit d’une cabale car il est porteur d’un projet d’avenir, soit la centralisation des activités du laboratoire dans un bâtiment de prestige acheté avec la trésorerie de la fondation mais dont le chantier de rénovation à Monruz à l’est de Neuchâtel est en panne de financement, comme l’a révélé la RTS. Cette crise interne est donc profonde et le départ du directeur ne résoudra pas tout.
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Ludovic Rocchi, Gabriel De Weck