Les citoyens neuchâtelois ont rejeté dimanche à 60,5% (22'339 non, 14'574 oui) l'initiative "Pour une participation des grandes fortunes limitée dans le temps", suivant ainsi les recommandations de leurs autorités. Le Grand Conseil avait massivement rejeté l'initiative en juin dernier, par 61 voix contre sept.
Toute la droite prônait le non. Le Parti socialiste laissait, lui, la liberté de vote. Seuls le Parti ouvrier et populaire (POP), les Verts, SolidaritéS et le Parti évangélique recommandaient le oui. L'objet n'a pas mobilisé les foules: la participation s'est élevée à 28,66%.
Limitée dans le temps
L'initiative prévoyait l'introduction d'un impôt spécial à titre de contribution au redressement des finances cantonales. L'impôt devait toucher les fortunes à partir d'un million de francs et augmenter progressivement.
Le taux était censé démarrer à 0,1% et augmenter de 0,1% par tranche de 100'000 francs de fortune. A partir de deux millions, il serait resté invariable à 1%. Cette contribution n'aurait été prélevée que sur les personnes physiques et uniquement par le canton, non par les communes.
De l'avis des autorités, l'initiative cumulait deux défauts majeurs: elle était excessive et inopportune. Elle aurait entraîné pour les contribuables concernés une hausse de la charge fiscale d'une ampleur encore jamais atteinte. Même si ce n'était que temporaire, elle aurait quand même induit jusqu'au triplement du taux réel maximum actuel de l'impôt sur la fortune.
A contre-sens
Le projet s'inscrivait en outre à contre-sens de la démarche entreprise par le canton depuis plusieurs années pour rendre plus attractive sa fiscalité. Pour rappel, le Grand Conseil s'est prononcé en mai dernier en faveur de la réforme de la fiscalité des personnes physiques.
Le peuple a déjà accepté l'an dernier une réforme de la fiscalité des entreprises. Dans ce contexte, les autorités jugeaient "illogique et irresponsable" d'introduire une augmentation de l'impôt aussi massive.
Tout autre son de cloche du côté des initiants, qui évaluaient le gain global pour le canton à 210 millions de francs. Pour eux, cet impôt limité à quatre ans n'aurait fait fuir personne.
ats/dk
Le Conseil d'Etat salue la décision
Le Conseil d'Etat a salué une décision populaire qui "évite de devoir instaurer une mesure excessive par son ampleur". Il a souligné que ce rejet s'inscrit dans la dynamique fiscale mise en place depuis plusieurs années. "Le canton dispose désormais d'un cadre fiscal modernisé".
"Par leur contribution importante, par leur esprit d'entreprise et par leur capacité d'investissement, les citoyens fortunés jouent un rôle déterminant pour le dynamisme au sein de la société", a souligné le conseiller d'Etat Thierry Grosjean à l'issue du scrutin.
Les soucis fiscaux du canton
L'érosion de son assiette fiscale est un souci pour le canton. Durant la dernière décennie, en moyenne annuelle, pas moins de 500 contribuables des classes moyenne et aisée sont allés payer leurs impôts ailleurs.
En 10 ans, cela correspond à une perte de revenu imposable de 270 millions et à une perte de fortune imposable de plus de 157 millions.
Les fortunes supérieures à un million de francs ne représentent que 2,3% seulement des contribuables. Mais elles participent à hauteur de 55% au paiement de l'impôt sur la fortune.