Le médecin, qui travaille en cabinet privé dans le canton de Neuchâtel, conteste les faits et entend prouver par ces vidéos qu'il agit correctement.
Cette vidéosurveillance a été mise en place à la suite de deux plaintes de patientes pour des gestes déplacés. La première a été classée après un arrangement financier. La seconde a abouti et le médecin devra répondre de ses actes devant un tribunal en septembre.
Pendant le temps de l’enquête pénale - qui remonte à 2015 - le spécialiste a proposé de recourir à la vidéosurveillance pour éviter tout malentendu. Il estime en effet que ses gestes ont été mal interprétés.
Protection des données
Aucune autorité ne procède à des vérifications de ces vidéos intimes, c'est au praticien lui-même de s'assurer d'un usage correct. Pas de commentaire, indique son avocat. Le médecin s'expliquera uniquement lors de son procès.
Le médecin cantonal neuchâtelois Claude-François Robert, qui avait donné son accord au praticien, garde le silence dans l'attente du procès. Il indique toutefois n'avoir ni les moyens ni le pouvoir de vérifier le dispositif chez le médecin.
Le préposé à la protection des données n'a pas été saisi du cas. "Il faudrait une plainte d'une patiente", précise le préposé neuchâtelois Christian Flückiger. L'usage privé de la vidéosurveillance n'est pas soumis à autorisation, contrairement à l'espace public, où il existe des règles strictes. "Dans un hôpital, ce serait interdit."
Condamnation de la profession
A titre personnel, le président de la Société neuchâteloise de médecine Walter Gusmini, qui n'était pas au courant de ce cas, se montre critique. "Ca ouvre plein de questionnements sur le devenir de ces vidéos. Il n'y a pas de bases légales à ma connaissance, je trouve que c'est ouvrir une brèche dangereuse à mon sens."
Pour moi la vidéo n'a pas sa place dans la consultation médicale, je pense que c'est une intrusion dans la relation médecin-patient.
La Fédération des médecins suisses (FMH) condamne également un tel procédé. Walter Gusmini ajoute qu'il faudra discuter d'une éventuelle directive de la FMH pour proscrire le recours à la vidéosurveillance, que ce soit pour couvrir les médecins ou protéger les patients.
"Sujet tabou"
Pour Rebecca Ruiz, présidente du Service aux patients de Suisse romande, cette affaire illustre "qu'il n'existe pas de procédures et de pratiques idoines pour les patients".
On est clairement dans un sujet très tabou.
La conseillère nationale exprime ainsi son inquiétude: quel patient aura en tête de bien demander que l'enregistrement soit ensuite détruit ou carrément de refuser et de devoir trouver un rendez-vous ailleurs?
Ludovic Rocchi/lgr