En 2013, le centre pour requérants d'asile de Perreux (NE) fait la Une des journaux romands. Bagarres, relations sexuelles entre requérants et employés, on découvre les zones d'ombre du centre. Le Conseil d'Etat neuchâtelois demande que la lumière soit faite sur ces dysfonctionnements. Le 2 avril 2013, le juge Christian Geiser rend son rapport.
En conférence de presse, le conseiller d'Etat Thierry Grosjean présente les conclusions: "[…] cette enquête administrative me conforte dans les décisions que j'ai pu prendre". Résultat, aucune sanction, tous les fonctionnaires suspendus sont réintégrés.
Un rapport critique
Ce rapport est resté secret jusqu'à aujourd'hui. La RTS et Le Matin Dimanche sont allés jusqu'au Tribunal fédéral pour l'obtenir. Sa lecture présente une autre réalité. Le rapport constate un manque d'effectif, un rassemblement difficile de "requérants d'asile ayant un comportement problématique", mais pointe du doigt directement Madame Z, la directrice du centre. "Régime de faveur", "discrimination selon l'origine", "manque flagrant de distance avec des administrés".
Les dysfonctionnements sont graves, au point que "les manquements que l'on doit reprocher à Madame Z justifieraient des mesures pouvant toucher la poursuite des rapports de service." Contacté, Christian Geiser, l'auteur du rapport, affirme que "les conclusions de Monsieur Grosjean ne correspondent pas aux conclusions du rapport."
La directrice a bénéficié d'une "certaine protection"
En pleine période électorale, le conseiller d'Etat a-t-il couvert celle qu'il appelait sa "bonne fée"? Pourquoi avoir caché ce rapport? Impossible de le savoir, Thierry Grosjean, qui n'a pas été réélu en 2013, ne souhaite pas s'exprimer sur cette affaire.
Denise Graf a suivi toute l'affaire pour Amnesty International, pour elle, la directrice "[…] a bénéficié d'une certaine protection". De 2014 à fin février 2018, elle travaillera dans des centres fédéraux d'abord dans le canton de Vaud, puis à nouveau à Perreux, toujours comme directrice de l'encadrement.
Le SEM satisfait de l'encadrement
Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) qui supervise ces centres était au courant des enquêtes neuchâteloises, il justifie l'engagement de la directrice ainsi: "Madame Z a été relaxée par la justice. Le SEM n'a aucun reproche à formuler à son sujet. Nous sommes très satisfaits de l'encadrement qui a été fait sous sa direction."
Une version nuancée par Denise Graf: "J'ai souvent eu des retours qui me faisaient part de problèmes concernant l'accès aux soins, donc un problème que l'on a déjà eu à Perreux auparavant."
Contrôles au sein des institutions en cause
Cinq ans après cette affaire, la plupart des acteurs ne sont plus en fonction. Mais au-delà des critiques envers la directrice, ce sont les contrôles au sein des institutions qui sont en cause. Contactés par la RTS, ni l'ancien conseiller d'Etat Thierry Grosjean, ni son successeur Jean-Nathanaël Karakash n'ont souhaité s'exprimer sur cette affaire.
Julien Chiffelle/ebz
Sujet traité dans le journal horaire de 9h du 8 juillet 2018 sur RTS La Première
La législation en matière de transparence de l'administration activée
Ces informations ont été obtenues en application de la législation neuchâteloise en matière de transparence de l'administration. Depuis près de 10 ans, elle permet à n’importe quel citoyen d’obtenir de l’administration des documents officiels.
La Confédération comme les cantons ont chacun leur propre législation qui met en oeuvre le principe selon lequel la transparence dans l'administration est la norme. Cette législation a permis à la RTS d’accéder au rapport de l’enquête administrative neuchâteloise.