L’actionnaire majoritaire de la société de remontées mécaniques de Crans-Montana-Aminona (CMA), Radovan Vitek, a annoncé la couleur dès le début de la séance d'information jeudi soir: il a invité la population du Haut-Plateau valaisan à cette soirée à Crans-Montana -invitation à laquelle plus de 500 personnes ont répondu présent- pour parler de l'avenir et non du passé de la station, "sans critiquer personne".
Il y avait pourtant de quoi s'attendre à une atmosphère crispée. La station a été déchirée ces derniers mois par une crise profonde causée par un contentieux financier entre les communes et la société CMA.
Mais fin novembre, Radovan Vitek a entrepris un "geste d'apaisement" en rachetant à CMA la société de parkings qu'il lui avait vendue à un prix surévalué en 2016. Jeudi soir, il a annoncé que le rachat avait été finalisé.
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Cette transaction a-t-elle suffi à effacer le passif? Les dirigeants de CMA et les représentants des communes ont en tout cas joué la même partition sur la scène du centre de congrès: la dette est réglée, il est temps de se remettre au travail et de regarder ensemble vers l'avenir. Devant une salle pleine qui ne demandait manifestement qu'à être rassurée.
Moisson d'applaudissements pour Radovan Vitek
Habile, le milliardaire tchèque a commencé par s'excuser pour la fermeture des remontées mécaniques en avril, tout en estimant que les torts étaient partagés. "J'étais sous beaucoup de pression. (...) Malgré tout, je pense que c'était une mauvaise décision et je m'en excuse", a-t-il déclaré. Un semi mea culpa qui lui a valu les premiers d'une moisson d'applaudissements.
Quand quelqu'un possède 85% d'une station et le bouton pour la fermer, il ne faut pas le pousser à bout.
Au fil de la soirée, l'homme d'affaires a suscité les rires du public. Comme lorsque, interrogé sur le "traumatisme" qu'il aurait créé dans la station en fermant les remontées mécaniques, il rétorque: "quand quelqu'un possède 85% d'une station et le bouton pour la fermer, il ne faut pas le pousser à bout...".
L'assistance a paru tout acquise à la cause du Tchèque, remercié plusieurs fois pour son "intelligence", son "engagement" et ses investissements dans la station.
"Premier jour du reste de la vie de CMA"
Au diapason, le président du conseil d'administration de CMA Philippe Magistretti a admis des maladresses dans la communication des dirigeants de la société, reconnaissant volontiers leurs "défauts" et leur caractère "colérique".
Il a joué la carte de l'ultra-optimisme, allant jusqu'à qualifier ce jeudi de "premier jour du reste de la vie de CMA". L'entreprise se fixe pour objectif de doubler le nombre de journées skieur sur le domaine pour atteindre un million d'ici à 2030.
Quelques voix se sont bien élevées, lors des questions du public, pour demander comment cet objectif pourrait être atteint par la seule promotion, sans projet concret ni investissements supplémentaires prévus à ce stade dans les infrastructures. Mais Philippe Magistretti a renvoyé au futur: "la 'vista', ce n'est pas tellement d'avoir un projet en tête aujourd'hui, c'est de dire: 'on va travailler ensemble'".
Satisfecit gêné des communes
Quant aux présidents des communes, Martial Kamerzin (Icogne), Nicolas Féraud (Crans-Montana) et David Bagnoud (Lens), ils ont été peu entendus. Leurs prises de parole se sont bornées à un satisfecit timide après le "dénouement heureux" du litige financier.
"On est condamnés à vivre ensemble, il y a de toute façon des hauts et des bas" mais la volonté de travailler ensemble est bien là, a assuré David Bagnoud. Pour Nicolas Féraud, "il y a des bases pour réentamer un dialogue et essayer de retrouver la confiance qui a été perdue".
La surévaluation de la société vendue puis rachetée par Radovan Vitek fait désormais l'objet d'une procédure judiciaire. Mais la question a été évacuée par le milliardaire, pour qui il s'agit d'une "tempête dans un verre d'eau".
"La surévaluation est corrigée, c'est réglé. Monsieur Vitek n'a pas changé de ligne, il a toujours maintenu que la société de parking avait été vendue à sa juste valeur", a renchéri le président de la commune de Lens.
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"La population n'a pas fini de payer"
Ancien membre du conseil d'administration de CMA dont il a été évincé, Xavier Bestenheider a été l'une des seules voix critiques. Interrogé par la RTS à l'issue de la séance, il a estimé que la population de Crans-Montana faisait preuve de beaucoup de "naïveté".
Selon lui, la gestion actuelle de CMA est mauvaise: "il faudra bien payer les manques à gagner que la mauvaise gestion de CMA entraîne, et je ne pense pas que Radovan Vitek va investir continuellement à perte", a-t-il dénoncé.
Radovan Vitek n'a d'ailleurs pas dit autre chose à la RTS. "J'ai déjà assez investi ici, je pense que la station est maintenant dans un très bon état. S'il y a des investissements à faire il faut se mettre autour de la table et dire qui va payer quoi".
Pauline Turuban