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La mise en œuvre de la LAT entre dans sa phase décisive en Valais

Des chalets à Grimentz (VS) photographiés en février 2012. [Keystone - Jean-Christophe Bott]
Les échéances de la loi sur l'aménagement du territoire sources de crainte en Valais / La Matinale / 3 min. / le 9 avril 2019
Canton le plus impacté par la loi sur l'aménagement du territoire (LAT), le Valais doit faire face prochainement à deux pas importants dans son application. Mais cette échéance est particulièrement émotionnelle.

La loi cantonale d'application de la LAT entrera en vigueur lundi 15 avril, puis le plan directeur cantonal devrait être validé ensuite par la Confédération. Ce sera le début d’un calendrier précis pour les communes, qui doivent prendre à bras le corps cette question.

Elles auront alors deux ans pour délimiter leur périmètre d’urbanisation, c'est-à-dire estimer la zone d'habitation nécessaire pour les 30 prochaines années. Elles auront aussi cinq ans pour homologuer leur nouveau plan de zones. Il s'agit de tâches très techniques, mais aussi délicates sur le plan humain car elles affectent directement des citoyens.

"Juste les yeux pour pleurer"

En Valais, 90 localités ont des surfaces constructibles surdimensionnées (on parle de 1000 hectares) et le spectre du dézonage plane donc sur de nombreux propriétaires. "Nos parents se sont bagarrés pour nous laisser quelque chose, mais tout ce qu'ils nous ont laissé ne vaut plus rien", témoigne l'un d'entre eux - un habitant d'Evolène - mardi dans La Matinale. "Pour nous, c'était un peu notre vie, notre gagne-pain. Il ne nous reste bientôt plus rien, juste les yeux pour pleurer."

Dans cette commune du Val d'Hérens, près de 70 hectares de zones à bâtir devront être déclassés. C’est d'ailleurs là que la population avait le plus massivement refusé la LAT en 2014, avec 94% de non. C’est aussi l’une des communes valaisannes qui n’ont pas encore pris de décisions et de mesures provisoires de type zones réservées.

Des terrains en forme de patrimoine

"Ici, il n'y a pas une course à la construction démesurée par des promoteurs", explique le municipal en charge de l’Aménagement du territoire Eddy Favre. "Une grande partie des propriétaires sont des gens qui ont hérité du terrain à bâtir. On leur a dit pendant 50 ans que c'était leur patrimoine et là, de manière drastique, on doit leur enlever ça. C'est quelque chose d'assez douloureux."

La position est délicate pour les communes et pour dépassionner le débat, les autorités dépolitisent au maximum les décisions. A l'exemple d'Evolène, la plupart d'entre elles mandatent des bureaux d’urbanistes. Ceux-ci se basent sur une vingtaine de critères scientifiques pour désigner les parcelles à geler, puis à dézoner.

Des zones à bâtir qui n'en sont pas

C’est le travail du géographe Alain Turatti, qui accompagne plusieurs communes valaisannes. "Sur les 80% des secteurs sur lesquels on discute, le bon sens fait qu'on sait si on laisse en zone à bâtir ou pas parce que des pentes à 40% avaient été mises en zones à bâtir, des secteurs en dangers naturels sous des couloirs à avalanches...", explique ce spécialiste. "Et pour les 20% qui restent à dézoner, on essaie de trouver les critères les plus fiables et les plus explicites possibles avec les communes: est-ce qu'on est loin du centre? Est-ce que la mobilité est toujours adaptée? Nous donnons le conseil et derrière, la Municipalité décide."

Accompagnement du canton

Une trentaine de communes valaisannes n'ont pas attendu le dernier moment et ont déjà pris des mesures provisoires pour freiner le mitage de leur territoire, en gelant certaines zones par exemple.

Et toutes les municipalités ont entamé au minimum des réflexions. Le canton confirme être en contact avec 80% d'entre elles pour analyser leur situation et les accompagner dans cette tâche obligatoire mais difficile.

Julie Rausis/oang

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