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Radovan Vitek convoqué devant le tribunal en juillet

Radovan Vítek, le patron des remontées mécaniques de Crans-Montana, jouera gros devant un tribunal luxembourgeois en juillet.
Radovan Vítek, le patron des remontées mécaniques de Crans-Montana, jouera gros devant un tribunal luxembourgeois en juillet. / 19h30 / 4 min. / le 16 juin 2019
Le patron des Remontées mécaniques de Crans-Montana conteste des décisions prises par le gendarme financier luxembourgeois. S’il perd en justice, cela pourrait lui coûter des milliards de dollars.

Selon l’enquête du 19h30, c’est le 9 juillet que le milliardaire tchèque plaidera sa cause au Luxembourg. Cette information est confirmée par le président du Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Marc Sünnen.

Cette audience est capitale pour Radovan Vitek. Pour comprendre la raison, il faut remonter au 8 décembre 2017. Ce jour-là, comme révélé par "Le Matin Dimanche", la Commission de surveillance du secteur financier luxembourgeois – l’équivalent de la Finma suisse – diffuse deux communiqués de presse.

Sanctionné pour manipulation de marché

Elle annonce que Radovan Vitek a été sanctionné pour manipulation de marché en relation avec les actions Orco Property Group, une société spécialisée dans les investissements immobiliers. Le gendarme financier luxembourgeois dit aussi avoir retenu l’existence d’une "action de concert non divulguée" entre Radovan Vitek et Jean-François Ott, le fondateur d’Orco.

En résumé, elle reproche aux deux hommes d’affaires d’avoir œuvré en cachette afin que le premier prenne le contrôle de la société sans se conformer à ses obligations légales. Une telle pratique permet d’acheter des actions en dépensant le moins d’argent possible, mais elle peut léser des tiers qui auraient pu vendre leurs actions à un prix plus élevé.

Requête rejeté

L’enquête du 19h30 révèle que Radovan Vitek a entrepris plusieurs démarches pour contester l’action de la Commission de surveillance du secteur financier luxembourgeois. Le 23 février 2017, CPI, le groupe immobilier dont il est propriétaire, demande ainsi le retrait d’un communiqué du gendarme financier du 16 février 2017.

Dans ce texte, le gendarme financier faisait connaître ses intentions de ne pas approuver l’offre publique d’achat obligatoire lancée par CPI mais aussi de déclarer l’existence d’une action de concert non divulguée. Lors d’une audience publique du 9 mars 2017, le Tribunal administratif du Grand-Duché du Luxembourg a rejeté la requête de CPI.

Recours irrecevable

Radovan Vitek a déposé un autre recours contre une décision de la Commission de surveillance du secteur financier, le 13 octobre 2017. Il estimait que cette commission avait refusé de lui fournir l’intégralité du dossier administratif dans le cadre de son enquête ouverte à son encontre. Lors d’une audience publique du 5 mars 2019, le Tribunal administratif a déclaré ce recours irrecevable. Un appel de Radovan Vitek est pendant devant la Cour administrative du Grand-Duché de Luxembourg, juridiction suprême de l’Ordre administratif luxembourgeois.

En raison de cet appel, les plaidoiries sur le fond de l’affaire, qui auraient dû avoir lieu le 26 mars 2019, ont donc été refixées au 9 juillet. Selon le président du Tribunal administratif, Marc Sünnen, le jugement sera prononcé au plus tôt cet automne.

Trois milliards de dollars réclamés

Il est sûrement attendu avec impatience aux Etats-Unis, où une plainte directement liée à cette affaire a été déposée en avril 2019. Deux sociétés d’investissement estiment que Radovan Vitek et ses associés leur ont volé 1 milliard de dollars depuis 2012 et en réclament le triple à titre de dommages. Les plaignants affirment avoir été lésés dans la prise de pouvoir de Radovan Vitek sur Orco Property Group.

Le premier plaignant est le fonds d’investissement new-yorkais Kingstown. Le second est la société Investhold dirigée par Marek Cmejla et l’ancien basketteur de Fribourg Olympic Jiri Divis. Comme l’a révélé Le Nouvelliste, les deux hommes ont été condamnés par le Tribunal pénal fédéral en 2013 notamment pour blanchiment d’argent aggravé et répété.

L’enquête du 19h30 dévoile que par arrêt du 22 décembre 2017, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours des deux hommes et renvoyé la cause au Tribunal pénal fédéral. Ce tribunal a rendu un nouveau jugement le 11 décembre 2018 dans lequel il a notamment reconnu Marek Cmejla et Jiri Divis coupables de blanchiment d’argent aggravé. Un recours devant le Tribunal fédéral est pendant.

De "vieilles histoires sans fondement"

Le 19h30 a sollicité à plusieurs reprises Radovan Vitek pour obtenir une réaction aux différentes procédures ouvertes à son encontre au Luxembourg et aux Etats-Unis, mais le milliardaire a décliné nos demandes d’interview. Dans un communiqué de presse du 11 avril 2019, son entreprise CPI a rejeté les accusations portées à son encontre et affirmé que les sociétés Kingstown et Investhold ont pour seul objectif « d’infliger un préjudice maximal à la réputation » de CPI.

Interrogé par le 19h30, Philippe Magistretti, président du conseil d’administration des Remontées mécaniques et bras droit de Radovan Vitek, a déclaré que les procédures intentées aux Etats-Unis et au Luxembourg étaient "de vieilles histoires qui n’ont aucun fondement".

Les avocats de Radovan Vitek auront l’occasion de le répéter au Tribunal administratif du Grand-Duché du Luxembourg le 9 juillet. Le dernier mot appartiendra au tribunal.

Fabiano Citroni

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En Valais, le ministère public prendra position cet automne

Le ministère public valaisan mène une enquête préliminaire à l’encontre de Radovan Vitek depuis octobre 2018. Elle fait suite à la publication d’un rapport commandé par les communes de Crans-Montana, Lens et Icogne sur deux événements survenus le 5 décembre 2016. Ce jour-là, le conseil d’administration des Remontées mécaniques, alors composé de Radovan Vitek, Philippe Magistretti et David Bagnoud, votait une augmentation du capital-actions de 50 millions de francs, mais aussi l’acquisition de 89% de la société CMA Immobilier (les restaurants et les parkings des Remontées mécaniques) pour un prix de 35,4 millions de francs.

Le rapport Altenburger, daté du 13 juin 2018, relève que Radovan Vitek pourrait être poursuivi pour faux dans les titres, escroquerie et gestion déloyale en lien avec ces deux opérations.

De source sûre, le 19h30 révèle que l’enquête préliminaire menée par la police cantonale valaisanne ne sera pas bouclée avant cet automne. Aucune instruction à l’encontre de Radovan Vitek ne sera donc ouverte cet été.

Interrogé par le 19h30, le président de Crans-Montana, Nicolas Féraud, laisse entendre qu’en cas d’inculpation dans ce dossier, Radovan Vitek devrait lâcher les Remontées mécaniques. "S’il est inculpé, peut-être que nous lui ferons à ce moment-là une proposition pour qu’il se libère de la lourde tâche de diriger les Remontées mécaniques", dit avec diplomatie Nicolas Féraud.

Philippe Magistretti, bras droit de Radovan Vitek, ne pense pas une seule seconde que Radovan Vitek devra lâcher les Remontées mécaniques. Il démolit le rapport Altenburger qui évoque une escroquerie, une gestion déloyale et des faux dans les titres. "Si j’avais fait une analyse de cette qualité quand je travaillais à Wall Street, je me serais fait virer", dit Philippe Magistretti au 19h30. Il précise avoir la conscience tranquille, "je pense qu’on n’a rien fait de mal, tout s’expliquera."