En novembre dernier, Christian Constantin posait tout sourire aux côtés du fondateur de la société Wee, avec à la clé un chèque de 1,5 million de francs pour le projet "Wee love Romandie" et le FC Sion.
Plus qu’un sponsor, Wee promet une révolution grâce à une carte de paiement. Le principe: récompenser la fidélité et favoriser les commerçants locaux en leur permettant de toucher de petites commissions sur chaque transaction.
Pour le fondateur Cengiz Ehliz, l’idée de départ de weeConomy était en effet de soutenir le commerce local face aux géants d’internet et de mettre fin aux multiples cartes de fidélité, en concentrant tout sur une seule et même carte.
Prison ferme
L’enquête de Mise au point révèle que cette société, basée à Kreuzligen, a été active dans le passé sous un autre nom, "Flexcom", et fait plus de 40'000 victimes d'escroquerie en Turquie, pays d’origine du fondateur. En Belgique, une plainte collective regroupant 41 victimes a été déposée dès 2014 contre la société Flexcom.
"On se sent comme un parfait idiot. Vous entraînez des gens à s’impliquer, des gens qui vous connaissent et qui ont confiance en vous, et soudainement ça devient clair que tout cela était une grande arnaque. Vous vous dites que ce n’est pas possible, comment ça a pu m’arriver?", témoigne Francis Vermeulen, entrepreneur flamand à l’origine de la plainte belge. Ce dernier a investi plus de 500'000 euros dans le projet et recruté plus de 400 personnes dans son sillage. Malgré sa plainte, il est convaincu que la société continue d’opérer: "Ils continuent juste à faire rentrer de l’argent, mais sur le plan opérationnel il n’y a rien du tout."
"Encore très actifs dans de nombreux pays"
Après six ans de procédure, le tribunal de première instance d’Anvers a rendu son verdict: les trois dirigeants de la société ont été condamnés à 30 et 40 mois de prison ferme avec mandat d’arrêt immédiat pour "escroquerie" et "organisation criminelle internationale".
La société Flexcom a quant à elle été acquittée, la juge estimant qu’il y avait un "doute raisonnable". "Nous espérons que les personnes à l’étranger vont s’emparer de ce jugement et entamer des enquêtes pour obtenir d’autres condamnations. Ils sont encore très actifs dans de nombreux pays et ils promettent toujours un grand nombre d’avantages et de gains financiers alors que la réalité est tout autre", réagit Me Bruno De Malder, l’avocat des plaignants.
Commerçants escroqués en Suisse
Actuellement le site Wee affiche environ 900 commerces partenaires en Suisse mais l’enquête de la RTS révèle que la plupart sont affichés "en attente" ou ont désactivé cette option de cashback.
Après quatre ans d’adhésion, Valérie Chevalier, à la tête d’un commerce spécialisé dans les deux roues à Montagny-près-Yverdon (VD), ne veut plus en entendre parler: "Les grandes promesses, c’était qu’on allait faire marcher les commerçants de la région. C’étaient des belles phrases. Il ne s’est jamais rien passé. J’ai payé cet appareil 1500 francs et ce sont 1500 francs que je n’aurais jamais dû payer. Je pense que si ça m’a rapporté dix francs c’est beaucoup." Le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) a reçu quatre signalements sur cette entreprise depuis 2016, mais aucune plainte n’a été déposée en Suisse.
Mise en retrait du fondateur
Contacté, Cengiz Ehliz, le fondateur du système Wee, s’explique: "Le jugement (...) m’a durement touché personnellement et de manière inattendue. Ce jugement (...) est dirigé exclusivement contre moi-même en tant que personne privée et n’a aucun lien avec l’activité ni l’orientation actuelles du Groupe Wee. Pour ne pas mettre en danger ce succès de manière inutile, j’ai décidé, la mort dans l’âme (...), de rester en retrait jusqu’à la clarification finale des reproches qui ont été émis à mon égard."
Le responsable Wee pour la Suisse romande, Egon Kuonen, balaye quant à lui les accusations d’escroquerie et maintient sa confiance dans le projet malgré le procès: "Si on prend la plus grande banque en Suisse, UBS, c’est actuellement la seule période où il n’y a pas un procès contre eux... et comme ça alors maintenant tout le monde devrait aller vider ses comptes? Ce qui est à mon avis beaucoup plus important c’est l'intention. Parce que si quelqu’un veut 'escroquer', il prend le pognon et il se casse. Et il aurait eu de multiples possibilités de le faire mais il est toujours le chef dans le bateau."
Contacté, Christian Baudoin, le directeur financier du FC Sion, explique ne pas être au courant du passé de cette société. "La société Flexcom pour moi n’existe pas. Nous travaillons avec weeConomy qui est basé en Suisse à Kreuzligen. C’est une société qui est cotée en bourse et nous n'avons aucun problème avec ça", déclare-t-il au micro de la RTS.
Cécile Tran-Tien
Qu’est-ce qu’une vente pyramidale?
La loi suisse interdit les ventes pyramidales, encore appelée pyramide de Ponzi ou jeu de l’avion, car les derniers entrants finissent toujours par se faire flouer.
Selon la Fédération romande des consommateurs (FRC), plusieurs signes mettent la puce à l’oreille: les participants reçoivent une commission pour recruter de nouvelles personnes, les participants doivent verser un droit d’entrée, les produits ne peuvent être vendus que par des participants à d’autres participants au sein du système, le système est conçu de façon à ce que le nombre des participants augmente de manière rapide et incontrôlable.