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L’armée dans l’embarras face à la Patrouille des Glaciers

La polémique s’intensifie autour des rémunérations versées par l'Association de soutien et de promotion de la Patrouille des Glaciers. Selon des informations obtenues par la RTS, l'armée suisse s'inquiétait des risques de dérapages depuis 2017, au moins.

Organisée par l’armée suisse tous les deux ans, la Patrouille des Glaciers est une compétition hybride: elle accueille à la fois des équipes civiles et militaires. L’armée dirige la préparation et fournit la logistique de la course.

En revanche la promotion, le sponsoring et la vente d'objets promotionnels sont confiées par un partenaire civil: l'Association de soutien et de promotion de la Patrouille des Glaciers (ASPdG). Créée en 1995 par des officiers pour assurer la pérennité de l'évènement, elle est aujourd'hui en pleine tourmente.

Une association en crise

L’ASPdG a connu ces dernières années un succès fulgurant. Pour la dernière édition en 2018, son budget s’est élevé à plus de 5 millions de francs. Or cette association reste une petite structure, gérée par un comité de cinq personnes, dont les pratiques sont contestées.

Ses détracteurs dénoncent des défraiements de plusieurs dizaines de milliers de francs, des mandats confiés à des proches ou encore des doubles casquettes. Un ancien président a notamment empoché plusieurs centaines de milliers de francs en guise de commission pour avoir décroché de nouveaux sponsors.

>> Voir également les explications du 19h30 :

Sponsoring: l'image de la Patrouille des Glaciers est écornée
Sponsoring: l'image de la Patrouille des Glaciers est écornée / 19h30 / 2 min. / le 26 février 2021

Ce comité se défend de toute pratique illégale. Ses représentants estiment que "tout travail mérite salaire" et font remarquer que l’ASPdG n’est visée par aucune procédure judiciaire. Ces pratiques scandalisent cependant certains membres de l'association.

Elles sont aussi combattues par l'actuel commandant militaire de la Patrouille des glaciers comme l’explique, vendredi, "La Liberté". Par ailleurs l'Etat du Valais a mandaté une analyse de l'inspection des finances, puisque cette association touche des subventions cantonales.

L’armée dans l’embarras

Cette association et la Confédération sont liées par une convention. Toutes deux se répartissent les éventuels bénéfices ou déficits de l'événement. Le Département de la défense (DDPS) a suspendu cette collaboration en novembre. Il a ensuite reçu la synthèse d'un audit externe commandé par l'association. Il recommande des réformes importantes, mais conclut qu'il n'y a pas de malversations.

>> Relire : L'armée suspend sa collaboration avec l'association de soutien à la Patrouille des Glaciers

Pour éviter de mettre en danger la prochaine édition de la course, le DDPS explique qu’il a repris la collaboration début février. Cette reprise est seulement temporaire, et le département a exigé de réformer l'association. Le groupe de travail mandaté à cette fin réétudiera notamment la rémunération du comité de l’ASPdG. Le DDPS rappelle aussi qu’il attend encore le rapport final de cet audit et se réserve le droit de prendre toute mesure nécessaire.

Les risques étaient connus

La RTS s’est procurée un autre rapport, interne à l'armée, qui date de 2017. Celui-ci pointait déjà les dysfonctionnements potentiels de l’organisation de la Patrouille des Glaciers: manque d'indépendance et de clarté sur les intérêts et sur les flux financiers sont une source de risque pour l’événement.

A la suite à ce rapport, le DDPS a fait évoluer la convention et renégocier sa collaboration avec l’ASPdG. Il n'a cependant pas appliqué toutes les recommandations, notamment celle d'exiger la présence dans l'association d'un représentant indépendant de la Confédération.

L’affaire aura sans doute des suites dans la Berne fédérale. La Patrouille des Glaciers pourrait être inclue dans un audit du Contrôle fédéral des finances prévu pour l’année 2021. La thématique inquiète aussi du côté de la commission de gestion du Parlement fédéral, qui attend toutefois les résultats des différentes analyses en cours avant de s'intéresser au dossier.

Etienne Kocher et Flore Dussey

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