C'est le cas notamment de Xavier Moret, maître arboriculteur valaisan depuis 45 ans. Il a perdu le mois dernier la moitié de ses dix hectares d'abricotiers, soit 25% de son chiffre d'affaires. A cause de ce gel, il songe à abandonner dans quelques années les variétés trop précoces. Les abricots du Valais arriveront donc sur les étals des marchés plus tard en été.
Habitudes des consommateurs chamboulées
"On n'aura pas tellement le choix", explique-t-il lundi dans La Matinale de la RTS. "Si les conditions météo continuent à aller dans ce sens, on devra s'adapter, il faut qu'on trouve des variétés qui fleurissent un peu plus tardivement."
Les consommateurs ont désormais l'habitude d'avoir des abricots en grandes surfaces depuis début mars. "Ils vont devoir changer leurs habitudes, en tout cas avec l'abricot indigène", avertit Xavier Moret.
Le gel, ennemi numéro un
Le Valais est l'une des régions les plus au nord en Europe pour la production d'abricots et le gel y est l'ennemi numéro un. Le relief complique encore les choses, avec de nombreux abricotiers situés sur les coteaux. Ce sont eux qui ont le plus souffert en avril.
"Pendant un hiver normal, le froid descend le coteau et s'accumule en plaine", explique Danilo Christen, responsable de recherche en culture fruitière dans les régions alpines à l'Agroscope de Conthey (VS). "En 2017, comme cette année, le froid est resté croché au coteau et avec le vent, c'était impossible de lutter", poursuit-il.
Raccourcir la période de végétation
Mais on ne sait pas, aujourd'hui, si de telles situations seront plus fréquentes à l'avenir: "Les climatologues ne peuvent pas prédire si on aura davantage ce type de gel, avec des bises noires", relève encore Danilo Christen.
En attendant d'en savoir plus, le chercheur d'Agroscope et son équipe travaillent sur une solution d'entre deux pour les producteurs d'abricots, qui aujourd'hui récoltent de la mi-juin à fin août. "Je pense qu'il faut plutôt raccourcir la période de végétation, avoir des variétés qui fleurissent plus tard mais qu'on peut quand même récolter en plein juillet", note le spécialiste.
Changement de paradigme
L'Agroscope teste actuellement plus d'une centaine de variétés, en changeant le paradigme. La priorité n'est plus à un marché qui demande des variétés très colorées, superbes, avec du goût. Il s'agit désormais de proposer aux producteurs des variétés qui fleurissent tard, mais que l'on peut quand même récolter au mois de juillet.
Il y a peut-être aussi une solution bien plus simple, celle du bon sens. "On a planté de façon excessive des vignes, ou même de l'arboriculture, dans des endroits extrêmes, qui ne sont pas forcément très adaptés", rappelle Danilo Christen. "Nos ancêtres, peut-être, n'avaient jamais planté là parce qu'ils savaient que c'était des endroits trop gélifs", poursuit le chercheur. "Il faut peut-être revenir au terroir très favorable aux différentes essences."
Autre extrême climatique en été
Pour les arboriculteurs, ce défi se prolonge aussi en été. Ils sont confrontés depuis quelque temps à un autre extrême climatique: celui des pluies plus violentes, qui laissent des traces sur les abricots ou les font même éclater. Pour cela aussi, l'Agroscope recherche de nouvelles variétés plus résistantes.
Foued Boukari/oang