Modifié

Des bénévoles sur les alpages valaisans pour préserver le bétail du loup

Loup, y es-tu ?
Loup, y es-tu ? / Mise au point / 13 min. / le 5 septembre 2021
Trois jeunes loups de la meute de Beverin (GR) pourront être abattus, a annoncé lundi la Confédération. Les cantons de Vaud et du Valais ont eux reçu le feu vert la semaine passée. Pour protéger les troupeaux et éviter les tirs, des bénévoles se sont relayés tout l'été sur trois alpages valaisans.

A 2200 mètres d'altitude, quelque part en Valais, une nuit d'encre s'est déversée sur les cimes. D'étranges veilleurs balayent la montagne avec leurs lampes torches.

Alors que les ténèbres se sont refermées sur eux, Thomas et Philippe sentent qu'il est là, très proche. Invisible, le loup rôde peut-être. "Avec la brume, c'est beau. Mais c'est l'enfer, on ne voit plus rien", commente Thomas dimanche dans Mise au Point. Et Philippe d'ajouter: "Faudra faire gaffe, cette nuit! Faudra être vigilants."

Armés de sifflet et d'un pistolet d'alarme chargé à blanc, les deux hommes, bénévoles de l'Organisation pour la protection des alpages suisses (OPPAL), surveillent un troupeau de 300 moutons pendant que le berger dort.

Projet soutenu par l'Etat du Valais

Conscient de ce drame qui touche les éleveurs, un collectif de jeunes Valaisans a fondé OPPAL, soutenu à hauteur de 5000 francs par l'Etat du Valais. Il propose un service bénévole de surveillance des troupeaux la nuit. Les membres de cette association observent avec intérêt le retour de cet animal sauvage qui avait entièrement disparu de Suisse.

Le président d'OPPAL Jérémie Moulin protège la nuit les moutons de l'éleveur Yves Bruchez contre une attaque du loup, le 28 juillet 2021 sur l'alpage de la Corbassiere dans le Val de Bagnes. [KEYSTONE - JEAN-CHRISTOPHE BOTT]
Le président d'OPPAL Jérémie Moulin protège la nuit les moutons de l'éleveur Yves Bruchez contre une attaque du loup, le 28 juillet 2021 sur l'alpage de la Corbassiere dans le Val de Bagnes. [KEYSTONE - JEAN-CHRISTOPHE BOTT]

"Nous n'avons jamais dit que nous voulions que le loup revienne, explique le président d'OPPAL, Jérémie Moulin. Nous avons juste fait le constat que le loup était là. Il est difficile maintenant de réfléchir en dehors de la boîte et d'arrêter avec ces histoires de pro et anti-loups."

Et d'ajouter: "Nous pouvons exterminer la trentaine de loups qui sont en Valais, nous en avons les moyens. Mais demain, il y aura les loups du Piémont, du Val d'Aoste, de Chamonix qui vont revenir. Le problème va donc perdurer."

> Lire aussi: Berne autorise les cantons de Vaud et du Valais à tirer deux loups chacun

"J'ai perdu 44 bêtes à cause de deux loups"

Jérémie Moulin fait régulièrement un point de la situation avec Yves Bruchez, éleveur de moutons sur l'alpage de la Corbassière, dans le Val de Bagnes (VS), qui est placé sous la surveillance des bénévoles d'OPPAL. "J'ai appelé les bénévoles. Ils n'ont pas eu de souci cette nuit, relate Jérémie Moulin. Ils se sont relayés à quatre."

"Cela fait quelques jours que nous ne l'avons pas revu, commente Yves Bruchez. Il a peut-être changé de coin." La saison dernière, Yves Bruchez a perdu 44 bêtes à cause de deux loups: "Il faut se positionner sur le loup. Sans le loup, nous n'aurions pas besoin de toutes ces mesures. Dans 25 ans, il n'y aura plus d'agriculteurs. Car nous en aurons eu tous marre de se faire bouffer des bêtes!"

D'ailleurs, l'éleveur valaisan va abandonner l'alpage après plus de deux décennies d'activité.

>> Lire aussi : Une meute de loups s'approche de randonneurs dans les Grisons

Plus d'une centaine de bénévoles

La démarche d'OPPAL n'est toutefois pas toujours comprise. "Au début de la saison, des gens nous ont dit: 'On va vous brûler la tente'. Nos panneaux d'information ont été arrachés. Je ne comprends pas cette démarche. Qu'est-ce qu'ils cherchent? Ont-ils envie qu'Yves (Bruchez, n.d.l.r) n'ait pas de bénévoles sur son alpage?", s'interroge Jérémie Moulin.

Au total, 150 bénévoles se sont succédé cet été pour éloigner le loup des brebis sur trois alpages valaisans. Ils viennent de partout en Suisse ou de plus loin. "Je viens de la banlieue parisienne, explique Thomas. J'ai entendu parler du projet sur Instagram et je trouvais intéressant de venir sur le terrain pour aider concrètement les bergers. On parle beaucoup du loup et je trouvais intéressant d'aller sur le terrain pour comprendre ce qui se passait plutôt que de lire des articles depuis chez soi."

>> Ecouter aussi le sujet de La Matinale :

La présence du loup, objet de controverses en Suisse. [Keystone - Marco Schmidt]Keystone - Marco Schmidt
Ici la Suisse - Quand les défenseurs des loups surveillent les moutons, en rediffusion / Ici la Suisse / 6 min. / le 12 août 2021

Carol Haefliger/vajo

Publié Modifié