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La mise en œuvre de la LAT engendrera des pertes financières pour de nombreux propriétaires

Focus sur l’application de la loi sur l’aménagement du territoire. Sur le terrain, les propriétaires de zones non constructibles ne sont pas indemnisés
Focus sur l’application de la loi sur l’aménagement du territoire. Sur le terrain, les propriétaires de zones non constructibles ne sont pas indemnisés / 19h30 / 3 min. / le 27 septembre 2021
La mise en œuvre de la LAT, la loi sur l'aménagement du territoire, provoquera des pertes financières pour de nombreux propriétaires. Certains, dont le terrain est situé dans des zones à bâtir surdimensionnées, ne toucheront même aucune indemnisation.

Les économies de toute une vie: Léopold Pitteloud a acheté plusieurs milliers de mètres carrés de terrains à bâtir pour ses enfants. Mais avec la loi sur l'aménagement du territoire, plusieurs d'entre eux ne sont plus constructibles et perdent jusqu'à cent fois leur valeur. Comme de nombreux propriétaires lésés, Léopold Pitteloud a saisi la justice dans l'espoir d'être indemnisé.

"C'est presque un vol ce qu'ils nous font, donc il est normal qu'ils nous donnent quelque chose en compensation. Soit ils nous remettent ces terrains en zone à bâtir, soit ils nous dédommagent financièrement", estime cet habitant de Nendaz (VS) lundi dans le 19h30.

Une indemnisation, c'est aussi ce qu'espère Harald Imboden, à La Tzoumaz (VS), pour les 7000 mètres carrés de terrain sur lesquels il ne peut plus construire. "Au niveau de la Confédération, ils devraient arriver à prendre l'argent des plus-values des terrains agricoles à Zurich, pour dédommager les gens qui ont été dépossédés", estime-t-il.

Taxe sur la plus-value foncière

En théorie, la loi prévoit en effet une taxe sur la plus-value foncière pour nourrir un fonds de compensation. Mais sur le terrain, c'est compliqué. Surtout pour les communes qui doivent dézoner beaucoup d'hectares. C'est le cas des communes plaine/montagne comme la commune de Chalais. "Si on prend le simple exemple de notre commune, on devrait sortir 30 à 40 hectares et on aura une densification de 8 hectares, ça ne couvrira jamais. On ne pourra pas compenser les pertes avec les plus-values car celles-ci sont nettement inférieures. Pour les autorités communales, c'est un véritable casse-tête. Cela va créer de véritables drames humains", explique Sylvie Masserey Anselin, présidente de la commune de Chalais.

Se pose également le problème des zones à bâtir surdimensionnées. Lorsque l'immobilier flambait, de nombreuses communes ont créé d'immenses zones pour la construction, jugées aujourd'hui démesurées. "Pour tous ces terrains qui n'auraient jamais dû être mis dans les zones à bâtir, il y a une jurisprudence qui dit qu'il n'y aura pas de compensation. Je doute fort qu'on puisse vraiment donner la possibilité aux gens de récupérer leur argent", estime Patrick Rudaz, vice-président de Chalais.

Christa Perregaux, juriste et directrice adjointe de l'association pour l'aménagement du territoire EspaceSuisse, le confirme. "La jurisprudence le dit: on ne peut pas tout indemniser, car les communes seraient pieds et poings liés et n'auraient jamais l'argent pour faire de l'aménagement du territoire."

Terrains déjà équipés

Certaines communes, comme Riddes (VS), doivent dézoner tellement d'hectares qu'elles se retrouvent à mettre en réserve ou même déclasser des terrains déjà équipés en eau, égouts, voies d'accès et électricité. Propriétaire d'un terrain équipé pour la construction, Gérard Gillioz, de La Tzoumaz (VS), craint d'être doublement lésé. Non seulement la perte de valeur de son terrain devenu inconstructible, mais aussi les 90'000 francs d'équipements investis.

"Je n'ai rien reçu de concret, qu'est-ce qui va se passer, qui va intervenir, pour des dédommagements à quelle hauteur? Tout cela, ce sont des inconnues qui pèsent lourd", déplore-t-il.

Une fois les nombreux flous juridiques levés, un fonds pour indemniser à 100% les propriétaires de terrains déjà équipés devrait être mis sur pied. Certaines communes, comme Riddes par exemple, l'ont même déjà budgétisé. Pour le reste, de nombreux propriétaires ne recevront aucune indemnisation. Impossible de savoir quels montants toucheront les autres.

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Claudine Gaillard Torrent/kkub

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