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L'accord entre le fisc valaisan et Christian Constantin fait débat

Le Tribunal cantonal fribourgeois remet en cause un accord entre Christian Constantin et le fisc valaisan
Le Tribunal cantonal fribourgeois remet en cause un accord entre Christian Constantin et le fisc valaisan / 19h30 / 3 min. / le 9 février 2022
Le promoteur immobilier prend en charge des frais du FC Sion et les déduit du chiffre d'affaires de sa société. Pour le Tribunal cantonal fribourgeois, il s'agit d'une distribution dissimulée de bénéfice. Le Tribunal fédéral aura le dernier mot.

Christian Constantin et le Service cantonal valaisan des contributions ont signé un accord en mai 2018 applicable aux taxations des périodes fiscales 2013 à 2022. Il porte sur la "Déductibilité des frais de sponsoring de la société Christian Constantin SA en faveur de la société Olympique des Alpes SA (FC Sion)", qui lui appartient également. Cet accord, passé sous les radars, est évoqué dans un arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois dévoilé par le portail d'information Frapp.

Pour comprendre pourquoi ce tribunal s'est intéressé à un "marché" passé dans le canton du Valais, et l'a remis en question, il faut rembobiner le fil. Christian Constantin est l'administrateur unique de la société Christian Constantin SA qui a notamment pour but l'exploitation d'un bureau d'architecture et d'entreprise générale. Cette société détient des immeubles dans les cantons du Valais, de Vaud, de Genève et de Fribourg. Elle doit donc payer des impôts dans tous ces cantons.

En septembre 2020, le fisc valaisan procède à la répartition intercantonale pour la période fiscale 2018. En vertu de l'accord passé en mai 2018, il accepte que Christian Constantin SA déduise pour plus de 3,7 millions de francs de charges de sponsoring. Il retient donc un bénéfice imposable de près de 5 millions de francs pour Christian Constantin SA et fixe les parts imposables dans les cantons du Valais, de Vaud, de Genève et de Fribourg.

"Cet accord ne lie pas l'autorité fiscale fribourgeoise"

Mais en novembre 2020, le fisc fribourgeois procède à la taxation ordinaire pour la période fiscale 2018 et retient un bénéfice imposable de plus de 2,6 millions de francs dans le canton de Fribourg, soit environ 1 million de francs de plus que ce qui avait été décidé par le fisc valaisan. Christian Constantin SA s'oppose à cette taxation et c'est ainsi que le dossier est transmis au Tribunal cantonal fribourgeois.

Dans son arrêt du 2 novembre 2021, on apprend donc l'existence de l'accord entre le patron du FC Sion et le fisc valaisan sur la déductibilité des frais de sponsoring. Mais pour le Tribunal cantonal fribourgeois, cet accord ne tient pas la route.

"L'accord ne se prononce que sur le montant maximal qui peut être déduit au titre des frais de sponsoring, mais ne contient aucune indication sur la nature de ces frais et les conditions qui doivent être remplies pour qu'une déduction soit admissible", écrit le fisc fribourgeois dans son arrêt.

"L'accord part ainsi manifestement de la prémisse que les frais pris en charge par Christian Constantin SA pour la société Olympique des Alpes SA et le FC Sion constituent en toute hypothèse des frais de sponsoring, quelle que soit leur nature", constate-t-il. "Or, outre le fait que cet accord ne lie pas l'autorité fiscale fribourgeoise, il ne saurait ainsi être suffisant pour retenir que les montants pris en charge par Christian Constantin SA au titre de frais de sponsoring remplissent bien les conditions mentionnées ci-avant."

Utiliser l'avion présidentiel, est-ce du sponsoring?

Pour le Tribunal cantonal fribourgeois, l'existence de charges de sponsoring pour plus de 3,7 millions de francs "n'est pas établie et la nature des frais en question reste vague". Il relève qu'il s'agit "en grande partie de frais de location pour des locaux nécessaires au FC Sion, de logement et de repas pour des joueurs et des clients, de frais d'avocat, de frais d'utilisation de l'avion présidentiel, et de frais et avances sur commissions". Aux yeux du tribunal, "le caractère de véritables dépenses de sponsoring n'est pas d'emblée apparent et ne peut pas non plus être déduit des explications de Christian Constantin SA".

Le fisc valaisan se serait-il donc montré trop peu regardant vis-à-vis de Christian Constantin SA? Mis en cause indirectement par le jugement fribourgeois, le Service cantonal valaisan des contributions a préféré répondre à nos questions par écrit. Beda Albrecht, le chef de service, justifie l'accord avec Christian Constantin SA par le fait que, "dans la pratique administrative, il n'est pas inhabituel d'arrêter le montant des charges justifiées par l'usage commercial par le biais d'un ruling fiscal (n.d.l.r. : accord conclu par une entreprise avec l'administration fiscale et qui établit les modalités de son imposition) ou d'un règlement de frais".

Une appréciation différente entre tribunal et fisc

Concernant la qualification des frais présentés comme étant du sponsoring, Beda Albrecht répond que "le Tribunal cantonal fribourgeois a procédé à une appréciation différente de celles des autorités fiscales. En effet, pour le fisc fribourgeois et l'Administration fédérale des contributions, les charges étaient justifiées par l'usage commercial et donc déductibles. La question principale était la répartition des frais entre les cantons." En résumé, le patron du fisc valaisan laisse entendre que le tribunal fribourgeois a un avis minoritaire.

L'arrêt fribourgeois soulève toutefois un autre élément surprenant, qui avait déjà été constaté par le fisc fribourgeois. Le tribunal relève que l'accord entre Christian Constantin SA et le fisc valaisan stipule que la société peut déduire à titre de montant de sponsoring jusqu'à 7% de son chiffre d'affaires, ne dépassant pas 6 millions de francs par an au maximum.

Or, pour la période fiscale 2018, Christian Constantin SA a pu déduire plus de 3,7 millions de francs, soit environ 9,5% de son chiffre d'affaires. "Si le montant de plus de 3,7 millions de francs devait effectivement être considéré en tant que charge de sponsoring, on ne voit pas pour quelle raison l'autorité fiscale valaisanne n'a pas procédé à une reprise de plus de 1 million, qui représente tout de même une charge supérieure à plus d'un tiers de l'accord convenu", écrit le Tribunal cantonal fribourgeois.

Christian Constantin a fait l'objet d'un rappel d'impôt

Interrogé sur ce point, Christian Constantin répond qu'il a fait l'objet d'un rappel d'impôt en octobre 2021 et que le million en question a alors été ajouté au bénéfice imposable. Le président du FC Sion nous a spontanément montré le procès-verbal de taxation ordinaire du Service valaisan des contributions qui confirme ses dires.

Mais le fisc valaisan aurait-il corrigé le tir si les autorités fribourgeoises n'avaient pas mis le doigt sur cette taxation trop favorable à Christian Constantin SA? Sollicité sur cette question, Beda Albrecht répond que "le rappel d'impôt initié pour la période fiscale 2018 par notre administration n'est pas intervenu suite à l'information d'un tiers, mais de notre propre initiative".

Une chose est sûre, cette affaire n'est pas terminée. Christian Constantin SA a décidé de recourir au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour fiscale du Tribunal cantonal fribourgeois, qui a non seulement refusé de qualifier ses dépenses en tant que charges de sponsoring, mais a estimé que la société s'était rendue coupable de distribution dissimulée de bénéfice.

>> Les précisions de Fabiano Citroni dans le 19h30 :

Le journaliste Fabiano Citroni analyse l’accord passé entre Christian Constantin et le fisc valaisan
Le journaliste Fabiano Citroni analyse l’accord passé entre Christian Constantin et le fisc valaisan / 19h30 / 1 min. / le 9 février 2022

Fabiano Citroni

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