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L’importation de vins étrangers par des caves suisses, entre légalité et illégalité

Un verre de vin (image d'illustration). [Depositphotos - belchonok]
L’importation de vins étrangers par des caves suisses, entre légalité et illégalité / La Matinale / 1 min. / le 27 mai 2022
En Valais, une récente affaire viticole révélée par le 19h30 et Le Matin Dimanche a mis en lumière une réalité souvent méconnue: des caves suisses importent du vin étranger. Château Constellation est soupçonnée d’en avoir fait un usage illégal, mais bien souvent le procédé est légal, même s’il interpelle.

Deux situations bien distinctes entourent l'importation de vins étrangers par des caves suisses: la vente de cet alcool comme AOC suisse, qui est interdite, et la revente de vin étranger, qui est légale.

Le Contrôle suisse du commerce des vins (CSCV) suspecte ainsi Château Constellation, la cave qui a succédé à celle gérée par Dominique Giroud, d'avoir vendu des vins étrangers sous l'appellation AOC Valais et il a déposé une plainte pénale contre la cave sédunoise. Dominique Giroud n'est lui pas visé, même si c'est lui qui a validé la vente des 30'000 litres en question, comme l'a révélé la RTS mercredi.

De son côté, Château Constellation assure n'avoir trompé personne et participer à la recherche du problème. Affaire à suivre.

>> Relire aussi : Dominique Giroud est mêlé à l'affaire du vin étranger vendu sous l'appellation AOC Valais

"Une république bananière"

Invité de La Matinale vendredi, l'encaveur et vice-président de l'Interprofession de la vigne et du vin du Valais (IVV) Mathias Delaloye a lui déploré que la justice valaisanne n’ait pas encore tranché les plaintes déposées en 2013 par l’Etat du Valais et l’IVV pour des faits de même ordre. "Nous avons l'impression que le Ministère public ne se saisit pas de cette affaire. Pour rappel à l'époque, le Grand Conseil valaisan avait fait venir un procureur extraordinaire en la personne de Dick Marty pour faire la lumière sur ces dysfonctionnements au Ministère public. Il faut croire que son rapport, qui a été remis au Grand Conseil, n'a servi à rien."

"Maintenant, après 9 ans de procédure, certaines affaires ont été prescrites, d'autres ont été classées mais il n'y a jamais eu de non-lieu ou d'accusation ferme. Ce qu'on attend, c'est que le Ministère public fasse son travail. Là on est dans une république bananière, si j'ose dire, parce quand les malfaçons ne sont pas punies. on ouvre la porte à tous les délits",  a conclu l'encaveur.

>> L'interview complète de Mathias Delaloye dans La Matinale :

L'invité de La Matinale (vidéo) - Mathias Delaloye, vigneron-encaveur
L'invité de La Matinale (vidéo) - Mathias Delaloye, vigneron-encaveur / La Matinale / 11 min. / le 27 mai 2022

Des caves importent des millions de litres

A côté de cette importation de vin présumée illégale car présentée comme de l’AOC Valais, des filiales de caves suisses revendent du vin étranger sous leur appellation étrangère. Plusieurs poids lourds du secteur recourent à ce procédé qui est strictement légal mais peu connu du grand public, en important, chacun, plus d'un million de litres par an, à l'image du groupe valaisan Rouvinez.

Véronique Besson, administratrice de l'une des sociétés du groupe, s'en justifie jeudi dans La Matinale: "Les vins étrangers qu'on met en bouteille sont 100% pour la grande distribution. Ce sont des vins d'entrée de gamme, qui se vendent dans les rayons à moins de 5-6 francs la bouteille, donc cela défie toute concurrence avec les vins suisses. La Suisse consomme bien plus de vin que ce qu'elle produit, c'est pourquoi nous avons développé un marché de vins étrangers, qu'on met en bouteille en Valais. Avec ces vins étrangers, nous pouvons assurer du travail à l'année pour une dizaine de collaborateurs."

Le groupe Rouvinez n'est pas le seul acteur vinicole à importer du vin étranger. Selon les chiffres 2021 des douanes, le groupe Fenaco, qui possède la plus grande cave valaisanne, Provins, a importé 6 millions de litres. Tandis que Schenk, le plus gros producteur du pays, a importé près d'un million de litres. Quant à Château Constellation, il a importé sous cette raison sociale 24'000 litres de moût de raisin et 5000 litres de vin rouge.

>> Relire aussi : Le Contrôle suisse du commerce des vins porte plainte contre Château Constellation

Vers une initiative populaire?

La commercialisation par les grandes caves à la fois de vins indigènes et de produits étrangers est mal vue par certains petits vignerons, alors que le vin étranger est présenté comme l'ennemi numéro un des crus suisses en difficulté. Mais comme cette pratique est légale, le mouvement les "Raisins de la colère" n'en fait pas un combat.

Membre de ce mouvement romand de défense de la profession, Alexandre Fischer déclare: "Avoir un peu de vin étranger qui rentre, ce n'est pas un problème. La question est juste de diminuer un peu ce contingent, qui pourrait nous permettre d'avoir un meilleur équilibre et d'être un peu mieux sur le marché de vins suisses. Aujourd'hui, la grande distribution met souvent le vin étranger en valeur parce qu'il est moins cher et elle y gagne un peu plus."

D'ici la fin de l'année, les "Raisins de la colère" pourraient lancer une initiative populaire destinée à restreindre les importations de vin étranger.

Romain Carrupt

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