Un rapport, discuté vendredi matin au Grand Conseil, reproche au procureur général Nicolas Dubuis et à son adjointe Lucie Wellig de consacrer plus de temps à du travail administratif qu'à l'instruction de grosses affaires. Certains députés suggèrent même leur démission ou leur destitution.
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Des politiciens s'émeuvent également de la présence discrète des deux magistrats dans les médias. Cyrille Fauchère, député UDC et conseiller communal chargé de la police à Sion, explique dans La Matinale de la RTS que la population aurait tout à gagner d'une meilleure communication de la part de ceux qui mènent les enquêtes.
"D'un point de vue de la transparence, cela permet de voir que le Ministère public et les polices en général font leur travail et répondent aux préoccupations actuelles des gens. Comme on ne peut pas communiquer, on a l'impression que la police ne fait pas son travail."
Selon Cyrille Fauchère, ce manque de communication "est un choix du Ministère public, avec l'argument de la présomption d'innocence qui est trop souvent mis en avant à mon goût. On a l'impression que lorsqu'on a rien à communiquer, on préfère ne pas communiquer."
Police "cadenassée "
La police cantonale, sous les ordres du Ministère public, souhaiterait aussi communiquer davantage. Plusieurs sources internes le disent, alors que la police cantonale n’a pas répondu à nos questions. La police cantonale aimerait surtout pouvoir rassurer la population en annonçant des arrestations.
Mais, dans les affaires judiciaires, la police se sentirait "cadenassée" par un Ministère public moins prompt à parler que dans d'autres cantons, où la plupart des procureurs communiquerait plus aisément. Les gendarmes verraient d'un bon oeil l'engagement d'un porte-parole au Ministère public, afin d’améliorer la culture de la communication.
Face à ces critiques, le procureur général Nicolas Dubuis répond en substance qu'il ne peut pas toujours communiquer à cause du secret d'instruction. Néanmoins, une fois que les enquêtes sont terminées et que le procès a eu lieu, ses procureurs sont libres de s'exprimer publiquement ou non.
Le procureur général n'a pas non plus l'impression que les neuf porte-parole de la police peuvent moins parler que sous l'ère de leur très médiatique chef Jean-Marie Bornet.
Agenda des procès peu clair
Les tribunaux valaisans sont eux aussi pointés du doigt pour leur manque de collaboration avec les médias. Pour un procès lié à du djihadisme, le Tribunal de Sierre n'a jamais répondu aux journalistes qui demandaient pourquoi il leur était interdit de donner le nom des professionnels du droit présents à l’audience, ni de filmer l'entrée du tribunal comme c'est le cas d'habitude.
L'agenda des procès - qui permet aux médias de se préparer à couvrir les affaires intéressantes pour le grand public - est aussi moins clair qu'ailleurs. Le procès pour djihadisme était classé dans la catégorie "divers". Benjamin Pillard, le chroniqueur judiciaire pour les journaux de Tamedia, estime que cette manière de procéder est aussi systématique que problématique.
"La justice valaisanne ne communique pas la liste des infractions qui sont reprochées au prévenu, ce qui fait que pour nous c'est impossible de savoir au premier coup d'oeil si c'est une simple affaire de lésion corporelle ou d'assassinat."
"Je ne saurais pas dire s'il y a une volonté de ne pas être totalement transparent ou de faire en sorte que la publicité des débats ne soit pas totale, mais ce qui est sûr, c'est que ça ne facilite pas notre travail", poursuit le journaliste.
Les tribunaux valaisans se défendent en invoquant des difficultés techniques et un manque de personnel pour avoir des listes d'audience plus précises. Cela ne convainc pas Benjamin Pillard. "A partir du moment où les cantons voisins s'en sortent très bien, je pense que c'est une question de volonté.''
Communiquer, une mission de la justice
Dans les autres cantons, la collaboration avec les journalistes semble en effet plus facile. Dans le canton de Vaud par exemple, Eric Kaltenrieder, le président du tribunal cantonal - et bientôt procureur général -, estime que l'information du grand public par l'intermédiaire des médias est une mission de la justice.
"Pour nous c'est vraiment important. On parle de la transparence de la justice. Les articles qu'on retrouve dans la presse montrent que la justice fonctionne. Parfois, il y a des affaires qui font plaisir, et des fois d'autres qui le font moins."
Sur la question de l'anonymisation des jugements, Eric Kaltenrieder reconnaît que cela demande un certain nombre de ressources, notamment en temps. Mais selon lui, cela fait partie intégrante du travail de la justice: "A partir du moment où on publie des arrêts, on les publie tous par souci de transparence. Ça fait partie du cahier des charges."
En Valais, les politiques exigent aussi du Tribunal cantonal qu'il publie tous ses jugements sur internet, ce qui n'est toujours pas le cas aujourd'hui. Le Tribunal cantonal avance qu'il n'a pas assez de personnel et pas les bons outils techniques. Il appelle le Grand Conseil à lui allouer plus de moyens.
Romain Carrupt/asch