"Il n'y a pas de valeur marchande pour la majorité des objets que l'on retrouve sur les glaciers", souligne mardi dans Couleurs locales l'archéologue Romain Andenmatten, responsable scientifique à l'Office cantonal d’archéologie du Valais. "Par contre, il y a un grand intérêt pour l'archéologie. C'est tout un patrimoine qu'on ne trouve pas dans d'autres contextes", ajoute-t-il.
S'il peut s'agir de simples objets égarés, parfois, les découvertes sont plus macabres, à l'instar des restes des corps d'un homme et d'une femme, datés entre la seconde moitié du 17e siècle et le milieu du 18e, trouvés l'année passée sur le glacier de Saleina, près d’Orsières.
>> A lire à ce sujet : Découverte archéologique exceptionnelle en Valais avec le couple de Saleina
Archéologie participative
Un an auparavant, les archéologues valaisans avaient mis à disposition l'application participative IceWatcher. Elle permet à n'importe qui de prendre en photo ce qui pourrait être une relique du passé et d'en envoyer la localisation au Service cantonal d'archéologie. "Notre intention avec IceWatcher était de permettre à ceux qui se promènent en montagne d'ouvrir les yeux", précise Romain Andenmatten.
>> A lire également : Une application participative pour signaler les vestiges glaciaires en Valais
Plusieurs vestiges des temps anciens sont arrivés dans les mains du service cantonal grâce à cette application. Romain Andenmatten présente un piquet de bois, à l'extrémité taillée en pointe et d'apparence tout à fait ordinaire. Découvert au col de la Forcle, près de Chamoson, il fait partie d'une collection de tiges datant d'entre 150 et 160 après J.-C., c'est-à-dire de l'époque romaine.
La présence d'objets du quotidien indique que les Alpes étaient loin d'être des no man's lands. "On se rend compte qu'on a parfois une vision a priori de la montagne", explique Romain Andenmatten. "On se dit que s'il y avait davantage de glace, c'était plus difficile. Et non! Il y a de nombreux endroits où les glaciers étaient plus aisés à passer quand il y avait plus de glace. On trouve du matériel d'époques assez anciennes sur des passages de très haute altitude."
Abondance de découvertes au Col du Théodule
C'est le cas des environs du col du Théodule, près du Petit Cervin, qui fut l'une des voies pour traverser les Alpes. "Les trouvailles les plus anciennes datent de l'époque romaine. On a trouvé plusieurs monnaies à hauteur du col", indiquait en 2017 l'historienne Sophie Providoli à la RTS. "On passait dans beaucoup plus d'endroits qu'aujourd'hui. Quand on pense aux cols, on pense au Simplon, Grand Saint-Bernard et quelques autres. Mais avant, il y en avait bien plus que ce que l'on pense", ajoute-t-elle.
"En 2010, j'ai trouvé au-dessus du col du Théodule une sorte de joug de mulet. Je ne suis pas sûr, mais son chargement était en bois et en plusieurs morceaux", racontait alors de son côté Sancho Biner, un employé des Remontées mécaniques de Zermatt.
Autre exemple non loin de là, à la Tête Grise, à 3500 mètres d'altitude, où le manche d'une serpe vieille de 2200 ans avait été découvert par le Zermattois Moritz Kronig.
Un mercenaire qui n'en est pas un
Mais l'événement archéologique le plus frappant remonte à 1984, avec la découverte par la Zermattoise Anne-Marie Lehner des restes d'un malheureux ayant chuté dans une crevasse vers 1600.
On le qualifie de "Mercenaire du Théodule", car il porte toute une panoplie guerrière: épée, dague, pistolet de poche, ainsi que des pièces de monnaies qui pourraient être sa solde. Mais il s'agirait plutôt d'armes d'apparat, expliquent les archéologues Pierre-Yves Nicod et Philippe Curdy dans un chapitre de l'ouvrage collectif "Archéologie glaciaire: Vestiges des cimes".
Ses vêtements, avec des galons de soie, ne sont pas non plus ceux d'un soldat. On a donc plutôt affaire à un homme relativement aisé, un marchand peut-être.
L'archéologie glaciaire est une discipline encore jeune, mais qui a déjà fait ses preuves, tant les objets humains emprisonnés dans les hauteurs ne manquent pas. Le musée World Nature Forum, à Naters, propose d'ailleurs une exposition temporaire jusqu'au 16 avril qui met en valeur ce patrimoine surgi des glaces.
Sujets TV: Florence Vuistiner, Rafaël Poncioni
Adaptation web: Antoine Michel