C'est la création d'une nouvelle grotte de glace sur une langue secondaire du glacier du Rhône, situé à l'extrémité nord-est du Valais, aux abords de la route du col de la Furka, qui a poussé la fondation à signaler le cas à la Commission cantonale des constructions (CCC).
"Nous n'avons pas connaissance d'une demande de permis de construire à ce sujet", indique le directeur de la fondation Raimund Rodewald, appelant à l'arrêt "immédiat" des travaux. "Nous vous prions de bien vouloir clarifier les faits et prendre les mesures qui s'imposent", écrit la fondation dans sa lettre adressée au Conseil d'Etat ainsi qu'à la CCC.
"L'ancienne grotte s'est visiblement effondrée et tout a été laissé sur place. Ce qui me gêne, c'est que l'exploitant prend toutes les libertés pour faire ce qu'il veut et profiter du site jusqu'à la dernière goutte", ajoute Raimund Rodewald. Il faudrait au moins avoir une "attitude éthique" envers ces glaciers qui se meurent principalement en raison de l'activité humaine, complète-t-il.
Une grotte régulièrement reconstruite
"La grotte de glace du glacier du Rhône est régulièrement reconstruite depuis près de 200 ans en vertu de droits d'utilisation privés", riposte l'exploitant Philipp Carlen dans une prise de position écrite. Sa famille exploite le site qui permet aux touristes de pénétrer dans les entrailles du glacier depuis quatre générations.
Il n'est actuellement pas encore clair si la construction d'une nouvelle grotte de glace pour la prochaine saison estivale 2024 sera encore possible, note aussi Philipp Carlen. Celui-ci indique qu'il y a quelques semaines, "une galerie de sondage de quelques mètres a été creusée dans la glace". Elle doit servir à établir une expertise géologique et glaciologique.
"Une histoire sans fin"
La Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage appelle également la CCC à "faire enlever sans délai" tous les revêtements, anciens ou nouveaux, qui couvrent le glacier. "La disparition du glacier du Rhône est tellement rapide que ce genre de mesure n'a aucun intérêt autre que commercial", estime Raimund Rodewald.
"L'exploitant a enlevé les anciennes bâches et maintenant il en remet de nouvelles qui finiront certainement de la même manière. C'est une histoire sans fin, qui met en danger l'environnement et le glacier du Rhône qui figure pourtant à l'Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels", ajoute-t-il. Et de douter, là aussi, de la présence d'autorisations pour le faire.
"Aucun danger"
Les bâches textiles permettent de retarder considérablement la fonte de la glace du glacier, estime de son côté Philipp Carlen. Celles qui sont devenues inutiles ont toujours été retirées et nous continuerons à le faire, ajoute-t-il, soulignant que les bâches utilisées "ne présentent aucun danger pour la nature et l'homme".
"Nous avons respecté l'ensemble des conditions environnementales que le canton du Valais, par l'intermédiaire du service de l'environnement, a édictées jusqu'à présent en rapport avec les bâches textiles devenues inutiles", souligne-t-il aussi, rejetant les reproches de la fondation.
Les bâches dans l'eau
En été 2022, le service valaisan de l'environnement avait réagi en constatant que des bâches textiles couvrant une partie du glacier et l'entrée de la grotte de glace étaient en partie endommagées et partaient à la dérive sur le lac glaciaire. Il avait enjoint l'exploitant à remettre le site en conformité pour répondre aux exigences de la loi sur la protection des eaux et de la loi sur la protection de l’environnement.
"Toutes les bâches qui dérivaient dans le lac ont été enlevées pendant l'été", indique la cheffe du service de l'environnement Christine Genolet-Leubin, dont l'équipe a effectué plusieurs contrôles. Les bâches qui servaient cette année encore à protéger la grotte exploitée seront enlevées au début de l'été prochain.
Le service de l’environnement intervient lorsqu’un risque de pollution des eaux est identifié. Seule la CCC est compétente pour régler l'utilisation de bâches sur un glacier.
cab avec ats
Un glacier et une attraction en sursis
En juillet dernier, l'exploitant Philipp Carlen avait laissé entendre dans le "Walliser Bote" que la grotte du glacier du Rhône vivait peut-être sa dernière saison, après 150 ans d'exploitation.
Il faut dire qu'en une année, la langue du glacier du Rhône a perdu 10 mètres d’épaisseur. Selon les modèles réalisés par Matthias Huss, glaciologue à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, il devrait avoir disparu d’ici la fin du siècle. "Si le réchauffement du climat se poursuit comme lors des dernières décennies, il n’en restera rien à l’horizon 2100", indiquait-il dans Le Temps en août dernier.
Le projet Planet Watch permet en partie de se rendre compte de cette évolution. L'initiative qui est née lors de la COP26 en 2021 pour rendre visible les effets du changement climatique, scrute notamment dix glaciers à travers le monde et propose des images régulièrement mises à jour.