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Pour Marianne Maret, les "femmes au foyer" doivent aussi être représentées à Berne

#Helvetica: Marianne Maret, conseillère aux Etats réélue Le Centre VS
#Helvetica: Marianne Maret, conseillère aux Etats réélue Le Centre VS / #Helvetica / 20 min. / le 18 novembre 2023
Réélue au Conseil des Etas dimanche dernier, la centriste Marianne Maret a déjà une longue carrière politique derrière elle. Dans l'émission Helvetica, la Valaisanne détaille comment se faire une place dans ce milieu lorsque l'on est une femme, tout en conservant ses idéaux de famille traditionnelle.

Marianne Maret a décidé d'arrêter de travailler lorsqu'elle a eu des enfants. "C'était une évidence dans ma vie. Le seul objectif que j'avais à 20 ans - ça fait vraiment désuet de le dire - c'était de me marier et avoir beaucoup d'enfants. Je me suis mariée, et j'ai eu la chance d'avoir beaucoup d'enfants." Et d'ajouter: "Probablement que ça m'a donné la force de faire d'autres choses après."

L'ex-présidente de Troistorrents est convaincue qu'elle avait aussi des choses à apporter en politique en tant que femme au foyer: "On ne fait pas la promotion, on ne met pas en valeur certaines spécificités de certains candidats ou certaines candidates. A savoir qu'on a été femme au foyer, qu'on a un CFC d'employé de commerce - je crois qu'on n'est que trois au Conseil des Etats actuellement à avoir un CFC. "

Il faut certes des spécialistes, mais il faut aussi des élus qui ont une connaissance de ce que vivent la majorité des gens

Marianne Maret

"Il y a quand même encore toujours ces modèles préétablis qui font que si tu n’es pas allé à l'université, c'est quand même moins bien. Et ensuite c'est mieux si t'es avocate, car tu manies la loi avec facilité, ce qui n'est naturellement pas mon cas."

"Je pense que c'est une erreur crasse. D'abord, ça crée des freins auprès des personnes qui pourraient avoir des velléités à se présenter. Et c'est une erreur crasse parce qu'il faut certes des spécialistes, mais il faut aussi des gens qui ont une connaissance du terrain, de ce que vivent la majorité des gens. C'est très important de le faire valoir en politique."

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La violence d'une campagne électorale

Dimanche dernier, Marianne Maret a été facilement réélue au Conseil des Etats au terme d'un second tour où elle a largement devancé son adversaire PLR Philippe Nantermod. Néanmoins, pour la centriste, aucune élection n'est une partie de plaisir.

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"C'est assez violent. Il faut comprendre qu'une élection, quelle qu'elle soit, c'est un moment où la personne qui se met à disposition prend le risque de s'exposer, avec tout ce que ça implique de positif et de négatif aussi. Il faut vraiment le vivre pour s'en rendre compte."

"C'était ma dixième campagne électorale, et à chaque fois, quel que soit le niveau, j'ai trouvé que c'était un passage relativement difficile. Je pense que si on n'est pas bien équilibré au départ, ça doit être très compliqué."

Solidarité féminine aux Etats

La Genevoise Lisa Mazzone n'a pas connu le même destin. Pour environ un millier de voix, elle a été évincée de la Chambre des cantons et a annoncé dans la foulée la fin de sa carrière politique. Une nouvelle qui a touché Marianne Maret.

"Personnellement, j'ai été très chagrinée par sa non-réélection, sans pour autant porter de jugement de valeur sur les élus - je ne connais presque pas Mauro Poggia. Mais j'ai été très chagrinée parce que Lisa est une personne avec qui j'ai tissé des liens, car nous siégions dans une commission ensemble."

Une sororité s'est mise en place aux Etats nous permettant ensuite d'aller chercher plus facilement des signatures chez nos collègues

Marianne Maret

La Valaisanne parle d'une véritable "solidarité féminine" au Conseil des Etats. "De surcroît, nous la cultivons. Jusqu'à aujourd'hui, le premier lundi de la dernière semaine de session, nous allions manger toutes les femmes ensemble, et nous partagions soit sur un thème choisi avec un orateur ou une oratrice externe, soit sur un thème où nous débattions entre nous."

"Et cela a parfois débouché sur des interventions parlementaires. Ça a mis en place une sororité nous permettant ensuite d'aller chercher plus facilement des signatures chez nos collègues. C'est vraiment quelque chose qui a un peu dérangé nos collègues masculins, je tiens à le dire."

Adopter une posture

Le Conseil des Etats a la réputation d'être plus conservateur que le National, avec une ambiance parfois machiste. Marianne Maret n'est pas d'accord. "Je n'ai pas du tout ressenti de machisme. Peut-être que c'est aussi dû à mon âge. L'attitude des hommes est sensiblement différente selon l'âge que les femmes ont. Moi je n'ai pas du tout ressenti ça, j'ai vraiment ressenti une écoute et un regard face à une alter ego. Franchement, je n'ai pas compris ces plaintes-là."

Je suis très directe, parfois un peu trop, mais ça marche assez bien

Marianne Maret

Au cours de sa carrière politique, Marianne Maret dit avoir développé une posture qui lui permet d'être écoutée et respectée: "La première chose, c'est qu'il faut être brève dans ses prises de parole, sinon on va tomber dans le reproche de la 'femme qui parle trop longtemps'."

"Mes interventions publiques et politiques sont toujours brèves. Je vais droit au but, comme ça je ne perds personne en route. Et puis je suis très directe, parfois un peu trop, ça c'est un trait de caractère, mais ça marche assez bien."

Faire élire des femmes à des postes-clés

Marianne Maret est la seule femme de la délégation valaisanne à Berne, et aucune femme ne siège au Conseil d'Etat valaisan. Une situation que la centriste regrette. Selon elle, il serait tout à fait possible de faire élire davantage de femmes s'il y avait une réelle volonté politique derrière.

Pour elle, les partis ne cherchent pas suffisamment à "faire élire des femmes à des postes-clés. Ce qui engendre toute une approche faisant que les femmes ont peu de chances. Parce que quand vous réfléchissez aux candidats au Conseil des Etats par exemple, et que dans votre tête vous ne partez déjà pas sur un modèle un homme - une femme, où vous réfléchissez à quelles femmes peuvent potentiellement y aller, vous fermez déjà les potentialités. Parce que par définition les femmes jouent moins des coudes que les hommes pour arriver à obtenir des fonctions."

Une fois que les femmes sont élues, il faut leur donner des commissions qui les mettent en évidence

Marianne Maret

Plutôt que conseiller les femmes, Marianne Maret se focalise sur les hommes de son parti, "en commençant par leur dire que ce n'est pas plus difficile de trouver des femmes, mais il faut que ce soit des femmes qui aillent les chercher."

"Et quand on a trouvé des femmes, il ne faut pas se contenter de les avoir mises sur une liste, il faut les faire élire. Et pour ça il faut mettre en place des appareils de parti. Et une fois qu'elles sont élues, il faut leur donner des commissions qui les mettent en évidence et leur donnent de la force."

Propos recueillis par Elisabeth Logean

Version web: Antoine Schaub

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"J'ai trouvé très vexant qu'on puisse estimer que Mathias Reynard représente mieux les femmes que moi"

En 2019 au Conseil des Etats, on a reproché à Marianne Maret d'être moins féministe que son concurrent masculin, le socialiste Mathias Reynard. "J'ai trouvé très vexant qu'on puisse estimer que Mathias Reynard représente mieux les femmes à Berne que moi. C'était plus que vexant, ça m'a touché aux tripes."

"On ne peut quand même pas voler le fait que je suis une femme, que je suis né femme, que j'ai vécu tous les chemins que les femmes doivent emprunter, ce qu'un homme par définition n'a pas à vivre."

Impossible de représenter toutes les femmes

Tout en étant reconnaissante pour le travail que Mathias Reynard a fait pour les femmes à Berne, la centriste trouve injuste qu'on lui demande de représenter toutes les femmes. "Naturellement que je ne peux pas le faire."

"Par exemple j'étais favorable à l'augmentation de l'âge de la retraite pour les femmes, et une partie des femmes m'en ont voulu parce que je représentais une autre sensibilité. Je ne peux pas représenter tout le spectre politique. Et on n'attend jamais ça d'un homme, parce que naturellement ils sont pluriels. Vu leur nombre, ils recouvrent l'ensemble du spectre."