"Chaque annonce est prise en compte", écrivent mercredi le Ministère public et la Police cantonale valaisanne dans un communiqué. Les faits dénoncés sont analysés et font l'objet d'investigations par la cellule d'enquête de la police judiciaire. Celle-ci a été mise en place, dès septembre, à la suite de la parution d'un rapport de l'Université de Zurich sur les abus commis en Suisse au sein de l'Eglise catholique romaine et leur dissimulation.
Cette procédure préliminaire a pour objectif de savoir si des faits poursuivis d'office, non traités et non prescrits ont eu lieu sur le territoire cantonal. Durant cette phase, les personnes mises en cause bénéficient de la présomption d'innocence, rappellent les autorités.
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Investigations en cours
C'est aussi dans le cadre de cette procédure préliminaire que le Ministère public valaisan et la Police cantonale se sont rendus la semaine dernière à l'Abbaye de Saint-Maurice pour y entendre le père-abbé par intérim - qui a depuis quitté son poste - accusé d'abus sexuels sur un novice. Ils ont également eu accès aux archives.
Selon les révélations des médias, qui ont débuté avec l'émission de la RTS Mise au point, le 19 novembre dernier, une dizaine de chanoines seraient impliqués dans des affaires d'abus sexuels au sein de l'Abbaye de Saint-Maurice.
"Pas d'instruction pénale ouverte"
En Valais, "il n'y a pas d'instruction pénale formellement ouverte contre une personne particulière à ce stade" liée à des infractions de nature sexuelle impliquant des religieux, avait indiqué le procureur général en fin de semaine passée, appelant instamment les victimes "à saisir la justice".
Mercredi, dans leur communiqué, police et Ministère public disent être "à disposition de tout citoyen désireux de leur faire part d’informations".
Dans l'étude-pilote de l'Université de Zurich, les chercheurs mandatés par trois organes catholiques dont la Conférence des évêques suisses (CES), ont dénombré 1002 situations d'abus sexuels depuis le milieu du XXe siècle. Selon eux, il ne s'agirait que de la pointe de l'iceberg, la plupart des cas n'ayant pas été signalés et les documents ayant été détruits.
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ats/vajo
La justice aurait-elle pu en faire davantage?
Dans les années 1990 et 2000, certaines enquêtes se sont parfois soldées par de simples avertissements, ou que des investigations aient été restreintes au nom de la "mesure de discrétion", même dans les cas d'abus sexuels présumés ou de possession d'images pédopornographiques.
Paolo Bernasconi, ancien procureur du Tessin et ancien coprésident de La Marche blanche, est d'avis que la question de la discrétion semble difficilement justifiable pour limiter une enquête.
"Une enquête doit suivre les règles les plus importantes et efficaces possibles pour obtenir la vérité, c'est-à-dire la reconstruction de tous les faits par l'audition de la victime ou des victimes, par l'audition des personnes pouvant avoir des renseignements sur les faits reprochés, et bien évidemment, par l'audition de la personne accusée. Une restriction de cette nature me semble, pour le moins, assez bizarre", déclare Paolo Bernasconi.
"On était moins sensibilisés"
Cet avis est partagé par l'ancien juge valaisan Yves Tabin, bien qu'ils affirment tous deux qu'il est nécessaire de remettre ces décisions dans leur contexte.
"Je ne pense pas que j'aurais agi comme ça. À l'époque, on était moins sensibilisés. Maintenant, on se demande comment peut-on fermer les yeux sur un abus potentiel? À l'époque, on considérait simplement que c'était un brave chanoine, et les juges pensaient que c'était un simple dérapage, alors on fermait les yeux. De plus, ils étaient débordés de travail, donc on n'allait pas chercher à creuser sans raison objective", explique Yves Tabin.
L'affaire de Saint-Maurice sera également à l'ordre du jour du Conseil de la Magistrature vendredi. Cependant, selon sa présidente Carole Basili, il sera difficile pour l'autorité valaisanne de surveillance de la justice de définir les responsabilités a posteriori, car les agissements des magistrats sont prescrits après cinq ans.