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Une lettre du suspect de la fusillade de Sion prévient de son passage à l'acte

L’auteur de la fusillade de Sion a envoyé à la RTS une lettre dont la teneur tend à démontrer la préméditation de son double assassinat
L’auteur de la fusillade de Sion a envoyé à la RTS une lettre dont la teneur tend à démontrer la préméditation de son double assassinat / 19h30 / 2 min. / le 13 décembre 2023
La RTS ainsi que d'autres médias ont reçu mercredi une lettre postale accompagnée d'une clé USB de l'auteur présumé de la fusillade de Sion (VS), qui a fait deux morts et un blessé lundi matin. L'homme de 36 ans y donne sa version des faits.

Le courrier était cacheté du 11 décembre dernier, le jour de la fusillade.

Dans sa lettre manuscrite, le tueur présumé écrit qu'il veut expliquer son acte. Il dit ne pas cautionner ce qu'il s'apprête à faire, mais veut aider à comprendre, donner sa vérité et aussi apporter des preuves. Il parle de "justice injuste", qui va forcément le "salir".

"Je suis vraiment désolé de le faire, surtout en ces temps festifs", écrit-il en guise de conclusion.

>> Lire : L'auteur de la fusillade qui a fait deux morts à Sion a été arrêté

Vidéo manquante

Une vidéo sur clé USB aurait dû être jointe à cette lettre, mais l'enveloppe reçue par la RTS était déchirée. Aucun acte volontaire ne peut être décelé. Le papier semble seulement s'être rompu durant le voyage par La Poste.

La RTS n'a donc pas eu accès à cette vidéo, mais d'après nos informations, il s'agirait de plus d'une heure de film où l'auteur présumé se présenterait comme victime. Elle aurait été tournée avant les événements.

"Harcèlement obsessionnel"

Pour le psycho-criminologue Philip Jaffé, l'envoi d'un tel courrier est révélateur d'une forme de narcissisme, de paranoïa et de problèmes psychiatriques. "Très clairement, cette personne affiche une pathologie psychiatrique qui est décrite dans la littérature, qu'on connaît", affirme-t-il dans le 19h30 de la RTS.

Si ce genre de "délire de harcèlement obsessionnel" est connu, le psychiatre rappelle toutefois que seuls "2% des cas passent à un acte agressif et fatal". Le criminologue et professeur honoraire à l'Université de Genève Christian-Nils Robert n'est cependant pas surpris.

Selon les informations recueillies par la RTS, le tueur présumé importunait sa première victime, une jeune femme de 34 ans, depuis longtemps. Il y aurait donc une certaine rationalité à sa démarche.

"Il y a une construction de harcèlement bénin à des harcèlements toujours plus amplifiés, violents, jusqu'au harcèlement définitif, qui conduit à la destruction de la victime", décrit-il dans l'émission Forum. "Et c'est une construction tout à fait logique".

Le criminologue explique par ailleurs qu'il est courant que ce type d'acte soit précédé d'une annonce par écrit ou par vidéo. "Pour donner de l'ampleur à une affirmation mortelle, il faut s'annoncer comme héros", affirme Christian-Nils Robert. "Et évidemment que l'annonce préalable amplifie l'énoncé d'un acte héroïque".

>> Lire : Le profil et les motivations du suspect de la fusillade de Sion se précisent

Possible assassinat

La lettre envoyée aux médias a été rédigée avant la fusillade, ce qui confirmerait l'hypothèse de la préméditation, ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences au pénal.

"S'il y a une préméditation, on aurait tendance à qualifier ce meurtre-là d'assassinat, qui est en fait une forme aggravée de l'infraction de meurtre", indique l'avocat Denis Rémondeulaz. Un assassinat se définit par une absence particulière de scrupules, dont la planification et la préméditation font partie (voir encadré).

C'est l'enquête qui devra confirmer ou infirmer la préméditation, le Ministère public ayant ouvert une instruction pour assassinat subsidiairement meurtre contre le tireur présumé. L'homme encourt une peine privative de liberté d'au moins dix ans.

Sujet radio: Diana-Alice Ramsauer

Sujet TV: Cédric Jordan

Adaptation web: Emilie Délétroz

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Comment se définit un assassinat?

Valentine Bagnoud, pénaliste à Genève, décrit la notion d'assassinat ainsi: "En Suisse, l'acte par lequel une personne ôte intentionnellement la vie est un meurtre. La sanction prévue par le Code pénal pour une telle infraction est une peine privative de liberté de cinq ans minimum.

L'assassinat est une forme qualifiée de meurtre, caractérisée par le fait que l'auteur a agi avec une absence particulière de scrupules. Ainsi, pour déterminer s'il y a assassinat, il faut évaluer l'ensemble des circonstances ayant entouré l'acte et qui lui confèrent une gravité particulière.

Sont pris en considération le mobile, le but et la façon d'agir particulièrement odieuse de l'auteur. Dans cette appréciation, la planification et la préméditation de l'acte, de même que des menaces répétées préalables, peuvent fonder une absence particulière de scrupules.

En cas d’assassinat, la sanction prévue est une peine privative de liberté de dix ans au moins. Le fait que l'auteur ait commis plusieurs infractions sera pris en considération dans le calcul de la peine globale.

Dans certains cas, une expertise psychiatrique est demandée dans le but d'évaluer le degré de responsabilité de l'auteur et la nécessité de prononcer des mesures thérapeutiques ou d'internement. Dans ce dernier cas, la mesure peut être reconduite tant que les conditions de sa mise en place perdurent, possiblement à vie (avec réévaluation régulière).

L'ensemble de ces éléments seront instruits par les autorités de poursuite pénale compétentes".