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Deuxième recours du WWF contre le projet valaisan de parc éolien à Barasson

Le WWF dépose un nouveau recours auprès du Tribunal cantonal valaisan contre le projet de parc éolien de Barasson (VS). [Keystone - Laurent Darbellay]
Deuxième recours du WWF contre le projet valaisan de parc éolien à Barasson / La Matinale / 1 min. / le 15 décembre 2023
Le WWF et plusieurs associations déposent un nouveau recours auprès du Tribunal cantonal valaisan contre le projet de parc éolien de Barasson (VS). Selon les organisations, il met en péril quatre oiseaux qui sont sur la Liste rouge des espèces menacées.

Sept éoliennes sont prévues depuis de longues années sur les hauts de la commune de Bourg-Saint-Pierre, mais selon le WWF, il y a encore trop de lacunes dans ce projet. Celui-ci ne prend notamment pas en compte son effet sur ces quatre espèces d'oiseaux.

Quatre nids de gypaètes barbus sont aujourd'hui connus aux alentours du projet de parc éolien et la présence de cet oiseau a été observée sur les arêtes de la Combe de Barasson à plusieurs reprises. [Keystone - Laurent Darbellay]
Quatre nids de gypaètes barbus sont aujourd'hui connus aux alentours du projet de parc éolien et la présence de cet oiseau a été observée sur les arêtes de la Combe de Barasson à plusieurs reprises. [Keystone - Laurent Darbellay]

"Pour le WWF, il faut vraiment que les promoteurs effectuent davantage d’études et se renseignent bien auprès d’ornithologues pour savoir comment limiter au maximum les impacts de ces éoliennes sur toutes ces populations d’oiseaux qui fréquentent la région", indique Pierrette Rey, porte-parole du WWF pour la Suisse romande.

L'organisation estime que ce parc éolien met en péril le lagopède alpin, le gypaète barbu, l’aigle royal et le crave à bec rouge, tous inscrits sur la Liste rouge des espèces menacées. Ces quatre espèces nichent ou se nourrissent en effet dans la région. Le WWF estime donc que le canton du Valais est particulièrement responsable de leur préservation.

Deuxième recours

Le WWF avait déjà fait opposition au projet auprès du Tribunal cantonal valaisan en 2016. Celle-ci ayant été rejetée, l'ONG avait fait recours en 2020. Le recours a été admis et l'entreprise d'énergie éolienne SwissWinds a été mandatée par les promoteurs pour effectuer les études complémentaires demandées par le tribunal.

Ces examens ne répondent toutefois pas aux questions soulevées par l'instance judiciaire, estime le WWF, Helvetia Nostra, BirdlLife et la Fondation pour la protection et l'aménagement du paysage qui déposent donc ce deuxième recours vendredi.

Le WWF reproche aux promoteurs de ne pas avoir réalisé d'analyses de terrain sérieuses des interférences possibles entre la migration des oiseaux et le parc éolien et de ne pas avoir clairement évalué son potentiel énergétique.

"On sait très bien aujourd'hui que d’ordinaire ce sont les éoliennes qu'on trouve en plaine qui ont le meilleur rendement", affirme Pierrette Rey, remettant en question l’intérêt de la production énergétique à Barasson, à plus de 2000 mètres.

>> Relire : Malchance et défauts de jeunesse plombent les éoliennes de Gries (VS)

Pistes d'amélioration ignorées

Durant plusieurs années, le WWF a été en contact avec la société SwissWinds pour tenter d'améliorer le bilan écologique du projet. Plusieurs pistes pour optimiser le parc éolien et compenser les conséquences sur les oiseaux ont été évoquées, précise Marie-Thérèse Sangra, secrétaire régionale du WWF Valais.

"Malgré des discussions, qui ont duré des années, les promoteurs n’ont pas voulu donner de garanties pour minimiser les atteintes à l’avifaune", regrette-t-elle. "Les mesures discutées ont été purement et simplement abandonnées dans la dernière version du projet".

SwissWinds a par ailleurs annoncé que dans sa dernière configuration, la production énergétique du parc dépasserait de peu les 20 GWh, seuil minimal pour prétendre revêtir un intérêt national au sens de l’art. 8 al. 1 let. a de l’Ordonnance sur l’énergie.

Pour Marie-Thérèse Sangra, secrétaire régionale du WWF Valais, cela démontre que dans ce projet, la question du rendement prend le pas sur la protection des animaux.

"Tout est manifestement mis en oeuvre pour minimiser les mesures objectivement nécessaires pour réduire l’impact des éoliennes sur l’avifaune et maximiser le rendement énergétique pour dépasser de justesse le seuil de 20 GWh", dénonce-t-elle.

Contacté, le président de Bourg-Saint-Pierre Gilbert Tornare juge le WWF trop "dogmatique" et se dit "désolé de ce nouveau recours". Selon lui, "on veut sortir des énergies fossiles, mais on ne s’en donne pas les moyens". Il rappelle aussi "qu'il n’y a pas d’opposition locale à ce projet".

Sujet radio: Pauline Rappaz

Adaptation web: Emilie Délétroz

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De très rares oppositions en 40 ans

Au cours des 40 dernières années, une quarantaine de parcs éoliens ont été mis à l’enquête en Suisse. Le WWF s’est opposé à sept d’entre eux, afin d'optimiser ces projets du point de vue de la nature.

Pour cinq installations, les oppositions ont donné lieu à des négociations et à la mise en place de groupes d'accompagnement afin d'améliorer sensiblement chaque projet. Par conséquent, le WWF a soit retiré son opposition, soit donné son accord.

Il s'agit des parcs du Crêt-Meuron (NE), du Mollendruz (VD), d'Eoljoux (VD), de Gries (VS) et de Charrat (VS). Un projet dans les Grisons a été abandonné pour des raisons économiques.

Barasson est donc le seul projet où il n’y a pas eu de solution trouvée à ce jour, pour lequel la pesée d’intérêt biodiversité-énergie n’est pas réalisable à la lumière des études proposées insatisfaisantes et où il n’y a pas eu d’amélioration en ce sens, ni de mesures de compensation significatives, selon le WWF.

Pour d'autres parcs éoliens, Montagne de Buttes (NE), Quatre Bornes (NE) et Sur Grati (VD), le WWF a été associé dès le début à la planification du projet par les auteurs. Des solutions ont ainsi pu être trouvées très tôt.

Projets facilités dès février 2024

Les projets de parcs éoliens déjà bien avancés bénéficieront d'un coup d'accélérateur à partir du 1er février 2024. Le Conseil fédéral a fixé vendredi à cette date l'entrée en vigueur d'un projet du Parlement visant notamment à accélérer les procédures d'autorisation de construction.

Le projet cible les procédures d'autorisation des installations éoliennes qui sont actuellement très longues. L'autorisation de construire pour les éoliennes d'intérêt national et bénéficiant d'un plan d'affectation déjà entré en force sera délivrée par le canton, alors que la tâche revient aux communes actuellement.

Les voies de recours contre cette décision seront raccourcies. Un recours ne sera recevable que devant le tribunal cantonal supérieur. Quant à un recours devant le Tribunal fédéral, il ne sera possible que pour clarifier des questions juridiques de principe.

Les communes d'implantation ne seront toutefois pas oubliées. Elles devront déjà avoir approuvé les projets dans une phase de planification antérieure, sauf si les cantons ont déjà transféré au niveau cantonal la compétence en la matière, comme c'est le cas dans le canton de Neuchâtel.