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En Valais, le glacier de Corbassière devenu inutilisable comme archive climatique

La passerelle de Corbassière qui permet de relier la cabane de Brunet a celle de la Panossière. [Keystone]
En Valais, le glacier de Corbassière devenu inutilisable comme archive climatique / Le Journal horaire / 1 min. / le 27 janvier 2024
Le glacier de Corbassière au Grand Combin (VS) ne permet plus d'obtenir des informations fiables sur le climat et la pollution atmosphérique du passé. Sa fonte est plus rapide qu'on ne le supposait jusqu'ici, selon une étude de scientifiques suisses et italiens parue dans la revue Nature Geoscience.

C'est le constat "décevant" auquel est parvenue l'équipe emmenée par Margit Schwikowski, directrice du Laboratoire de chimie de l'environnement à l'Institut Paul Scherrer (PSI), et Carla Huber, doctorante et première auteure de l'étude.

Dans le cadre de l'initiative Ice Memory, les scientifiques du PSI, avec des collègues de l'Université de Fribourg et de l'Université Ca' Foscari de Venise ainsi que de l'Institut des sciences polaires du Conseil national de la recherche italien, ont analysé en 2018 et 2020 des carottes de glace forées dans le glacier de Corbassière.

Variations attendues

Normalement, la quantité d'éléments traces dans la glace varie en fonction des saisons. Ces substances, comme l'ammonium, le nitrate et le sulfate, proviennent de l'air ambiant et sont déposées sur le glacier par les chutes de neige: en été, leur concentration est élevée, alors qu'elle est basse en hiver, car le froid empêche l'air pollué de monter depuis la plaine.

La carotte de glace de 2018 présentait les variations attendues, contenant des dépôts qui remontent à 2011. La carotte de 2020 en revanche ne présente ces variations que dans les trois à quatre couches annuelles supérieures. Plus bas dans la glace, et donc plus loin dans le passé, la courbe s'aplatit et la quantité totale est plus faible.

Mémoire "lessivée"

Selon Margit Schwikowski, citée vendredi dans un communiqué du PSI, la fonte du glacier entre 2018 et 2020 a dû être si importante que de l'eau a pénétré souvent et en grande quantité depuis la surface à l'intérieur du glacier, entraînant avec elle les éléments traces qu'elle contenait.

"Mais apparemment, une fois là, l'eau n'a pas regelé en concentrant les éléments traces. Elle s'est écoulée et les a véritablement lessivés", conclut la chercheuse. L'archive climatique est détruite, selon les auteurs, pour qui cela résulte des nombreuses années chaudes du passé récent.

Expédition interrompue

Margit Schwikowski est partie prenante, avec d'autres spécialistes du monde entier, de l'initiative menée par la Fondation Ice Memory. Cette initiative s'est fixée pour objectif de collecter en 20 ans des carottes de glace sur 20 glaciers situés dans le monde entier et menacés de disparition afin de réunir une archive climatique planétaire.

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La carotte de glace du Grand Combin était censée être l'un de ces 20 échantillons. "Sur la montagne, nous avions déjà compris que cela n'aboutirait pas", conclut Margit Schwikowski.

Les scientifiques ont dû interrompre l'expédition, alors que leur projet initial était de forer à 80 mètres de profondeur jusqu'au fond rocheux pour saisir toutes l'archive du glacier qui remonte à plusieurs milliers d'années.

ats/hkr

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