Benoît Aymon sur le drame de Tête Blanche: "Ce serait absurde d'interdire la montagne en cas de foehn"
Benoît Aymon connaît très bien la région de Tête Blanche. Il y a une quinzaine d'années, il a fait l'expérience d'une tempête de foehn comparable à celle qui a fait cinq morts et une disparue la semaine passée.
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"Le foehn, lorsqu'on est en ville, c'est un gentil petit vent chaud. Mais quand on est à ces altitudes, c'est d'abord extrêmement violent, plus de 100 km/h, et c'est froid. En plaine, on croit que le foehn est chaud, mais là avec des vents pareils, on est dans des températures ressenties de l'ordre de -15°C ou -20°C", décrit Benoît Aymon.
La montagne, c'est simple. C'est une prise de responsabilité. Vous analysez les risques, et vous estimez si c'est raisonnable d'y aller ou non.
Il y a quinze ans, Benoît Aymon faisait la Haute route avec notamment l'alpiniste Erhard Loretan, lorsqu'ils ont été pris dans une tempête. Ils se sont retrouvés alors au même endroit où les six alpinistes ont été surpris la semaine dernière. "La montagne, c'est simple. C'est une prise de responsabilité. Vous analysez les risques, et à un moment donné, vous estimez si c'est raisonnable d'y aller ou non. C'est ce qu'on a fait ce jour-là. On avait des vêtements en suffisance, on avait des pelles dignes de ce nom, et on savait qu'on ne pourrait pas compter sur les secours."
Même lors du beau temps
S'il reconnaît avoir "peut-être eu plus de chance" que les six victimes de Tête Blanche, Benoît Aymon rappelle que "même les plus grands des montagnards - je pense à des Erhard Loretan (décédé dans un accident lors d'une ascension au Grünhorn, NDLR.) - peuvent se faire surprendre, malgré les précautions, malgré les analyses".
En montagne, il y a cette alternative entre notre médiocrité et notre grandeur. Mais c'est à nous de choisir, pas aux autres d'interdire.
"On peut se faire surprendre quand il fait grand beau, par une chute de pierre par exemple. Personnellement, j'ai été surpris deux fois alors qu'il faisait grand beau par des orages d'une violence assez inouïe. Même si on prend des précautions, on peut se faire surprendre en montagne. "
Certaines voix estiment qu'il faudrait interdire la montagne lorsque le foehn souffle. Benoît Aymon trouve cela "absolument absurde". Il développe: "La montagne révèle notre grandeur dans les moments où ça se passe bien, et de temps en temps, elle nous révèle notre médiocrité, au sens large du terme. Et c'est ça qui est intéressant en montagne, c'est qu'il y a cette alternative entre notre médiocrité et notre grandeur. Mais c'est à nous de choisir, pas aux autres d'interdire."
Propos recueillis par Renaud Malik
Version web: Antoine Schaub