A moins de disposer d'un 4x4 et de pouvoir emprunter un autre chemin difficilement praticable, l'accès au village de Lourtier, 400 habitants et situé en amont, se fait majoritairement à pied ou à vélo par un petit sentier situé en pleine forêt.
Il faut alors s'armer de bonnes chaussures de marche pour affronter une pente raide, jonchée de cailloux et de branches. Une petite épreuve qui se complique encore lorsqu'on doit porter un bébé, tout en surveillant un deuxième enfant un peu plus âgé.
"Quand ils sont collaborants, ça se passe bien. Mais on est aussi content de n'avoir que deux enfants", témoigne vendredi dans La Matinale une mère de famille originaire de Champsec, dernier village en aval de la lave torrentielle qui a coupé la route. "On travaille. La garde pour les enfants est organisée avec les grands-parents qui sont eux bloqués à Lourtier. C'est la seule solution pour nous", explique-t-elle.
Une vie difficile sans voiture
Sans véhicule, se rendre au travail peut également s'avérer difficile. Habitant de Lourtier, un photographe rencontré sur le sentier doit transporter son matériel sur son vélo électrique pour se rendre dans les divers lieux de shooting en dessous de Lourtier. "C'est le moment le plus compliqué des derniers mois", affirme-t-il.
A Lourtier même, l'épicerie du village ne connaît pas de rupture de stock, mais on a dû se réorganiser. "Il faut bien réfléchir. C'est une anticipation dans les commandes. Au lieu d'avoir un camion qui vient tous les jours, ce n'est que deux fois par semaine qu'on est livré. C'est quand même plus difficile à gérer", détaille Edith Michellod, gérante et propriétaire du commerce du village depuis plus de 32 ans.
Sans route d'accès, l'approvisionnement s'effectue par les airs grâce à un hélicoptère. Un coût supplémentaire qui est entièrement pris en charge par la commune.
Réorganisation pour toutes les activités de la région
Juste à côté, le restaurant "La Vallée" a aussi vu la vie changer depuis les laves torrentielles. Il y a d'abord bien moins de convives que d'habitude. "C'est vrai que c'est un peu triste comme été, parce qu'on a l'habitude de bien travailler dans une ambiance vraiment sympa et là, c'est calme, ça fait bizarre", témoigne Léane Bruchez, gérante de l'établissement.
"On a gardé la même carte et on fait en fonction du roulement. S'il manque quelque chose, il y a d'autres plats à la carte et en général on arrive à satisfaire tout le monde", ajoute-t-elle.
La gérante doit également s'adapter lorsque le restaurant manque de monnaie, car la banque se trouve en aval, au Châble. "A ce moment, on n'a pas trop d'alternative", admet-elle.
Mais c'est bien l'ensemble des activités de la communauté qui ont dû se réorganiser. Dans le Haut Val de Bagnes, il n'y a par exemple pas de médecin et la région ne dispose que d'un seul pompier. L'autre question est de savoir si les élèves pourront rejoindre leur école dans la vallée à la rentrée scolaire.
Inquiétude pour les entreprises
La situation est également très problématique pour de nombreuses entreprises de la région. La plupart d'entre-elles sont presque à l'arrêt depuis cinq semaines.
"Une route d'accès sécurisée est une urgence. Il faut que le canton et la commune nous donnent un planning des travaux. C'était rigolo les deux ou trois premières semaines de vivre cette expérience, mais maintenant ça commence à nous peser. Il n'y a plus d'accès au Haut Val de Bagnes depuis le 3 juillet et les entreprises ici travaillent beaucoup avec des camions", explique Lorianne Maret, qui possède un petit bureau d'architecture dans la région. "On doit pouvoir se projeter dans le futur pour la vie de tous les jours", ajoute-t-elle.
Pour éviter ce genre de situation, une nouvelle route de l'autre côté de la rivière, la Dranse, est la seule solution à long terme. Mais le projet pourrait prendre des mois, voire des années à se concrétiser. En attendant, le tronçon détruit par les laves torrentielles est reconstruit pratiquement à l'identique. Sa réouverture est prévue fin août, pour autant que la nature n'en décide pas autrement.
Reportage radio: Emilien Verdon
Adaptation web: Tristan Hertig
"On est un peu des enfants gâtés"
Depuis le 3 juillet, le Haut Val de Bagnes est donc difficilement accessible. Vendredi après-midi, la réouverture de la route entre Champsec et Lourtier a été confirmée dans un communiqué pour le 2 septembre, soit une semaine plus tard que prévu. L'accès par le sentier de la Sasse ou par une route difficilement accessible va donc se prolonger encore quelques temps.
Les habitants mettent par exemple plus de temps pour aller au travail. Le trajet met 40 minutes supplémentaires, témoigne l'un d'entre-eux. Face à la colère, le canton se défend. "On est un petit peu des enfants gâtés. Il y a des choses qui arrivent, les solutions sont là. Il faut un peu de patience", déclare Frédéric Moulin, le voyer du secteur au Service cantonal de la mobilité dans l'émission Forum sur la RTS.