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Le projet de la troisième correction du Rhône tourne à la bataille d'experts

Abandonné par le Valais, le projet de la troisième correction du Rhône tourne à la bataille d'experts
Abandonné par le Valais, le projet de la troisième correction du Rhône tourne à la bataille d'experts / 19h30 / 2 min. / le 26 août 2024
La guerre d'experts autour de la 3ème correction du Rhône continue. Un nouveau rapport publié lundi défend le projet initial et critique l'analyse commandée en mai par le Conseil d'Etat valaisan et réalisée par le bureau vaudois E-AS SA.

L'analyse du bureau E-AS SA estimait le plan initial "disproportionné" avec des coûts excessifs. Mais deux autres experts ont désormais publié un contre-rapport pour contester ces conclusions. Ses auteurs reprochent au Conseil d'Etat valaisan de se baser sur une analyse imprécise. Ils estiment que le bureau vaudois n'est pas assez qualifié et ne dispose pas des compétences techniques requises.

Selon eux, l'enjeu central de cette nouvelle correction du Rhône, celui de la sécurité, n'a pas été surévalué dans le projet initial, contrairement à ce que juge E-AS SA. L'estimation des débits n'est, elle aussi, pas surestimée. Elle a été établie par l'EPFL sur la base de statistiques et de modélisations mathématiques de haut niveau, ajoutent les experts.

"Cette analyse a été faite dans le dos de la Confédération, du canton de Vaud et de tous les partenaires importants du projet. Elle est biaisée. Il y a douze critiques principales et dix qui sont fausses, erronées. Ce n'est pas simplement une mauvaise interprétation, c'est carrément faux", témoigne lundi dans le 19h30 Romaine Perraudin Kalbermatter, collaboratrice de la 3ème correction du Rhône à l’Etat du Valais entre 2002 et 2022 et co-auteure du nouveau rapport.

En publiant ce nouveau rapport, la biologiste, désormais à la retraite, dit vouloir que le projet de base "ait droit à la parole... ce qui n'a pas été le cas jusqu'à maintenant".

Les mises en garde de deux associations

L'analyse du mois de mai effectuée par le E-AS SA continue pourtant à servir de référence aux autorités valaisannes. Une décision vivement critiquée, tant par le canton de Vaud que par des associations écologistes qui s'offusquent.

Cet été, après les crues dévastatrices du Rhône, deux associations de professionnels des dangers naturels ont notamment adressé une sérieuse mise en garde au canton.

Le 5 juillet, le FAN, association de spécialistes des dangers naturels regroupant plus de 650 experts, a adressé une lettre au service des dangers naturels, dans laquelle elle affirme que "la décision du gouvernement valaisan a pour conséquence que cette protection visée par la 3e correction du Rhône sera retardée pendant des années ou ne sera pas atteinte".

Une semaine plus tard, une association qui regroupe des experts de la Confédération et des cantons, ingénieurs et chercheurs, l’association suisse pour l’aménagement des eaux (ASAE) et sa commission pour la protection des crues (CIPC) ont aussi critiqué le choix du canton dans une lettre adressée à l’Etat du Valais: "La CIPC se distancie clairement du rapport d'E-AS SA, qui repose sur un manque de compétences techniques et une démarche non transparente."

"L’approche proposée aujourd’hui par le Conseil d’État valaisan sur la base de l’analyse E-AS SA entraînerait un retard massif dans la mise en œuvre des mesures nécessaires et augmenterait davantage le risque d’inondation déjà considérable", précise l'association.

Silence de Franz Ruppen, critiques de Christophe Darbellay

Sollicité à de très nombreuses reprises depuis début juillet par les équipes de la RTS, Franz Ruppen, conseiller d'Etat valaisan en charge du dossier, ne souhaite pas s'exprimer sur le sujet. Une position réaffirmée après la publication du nouveau rapport.

Présent sur le plateau du 19h30 lundi pour évoquer un autre sujet, Christophe Darbellay, conseiller d'Etat valaisan à la tête du Département de l’économie et de la formation, s'est lui permis quelques remarques sur la situation actuelle.

"On se concentre vraiment sur la sécurisation du fleuve, sur des mesures urgentes et il y aura des décisions qui tomberont tout prochainement de la part du gouvernement pour sécuriser l'espace Sierre-Chippis, avec cette zone industrielle d'importance européenne, et puis aussi toutes les portions linéaires du Rhône, depuis le Haut-Valais jusqu'au Bouveret, qui ont subi ces crues et qui ont été endommagées", explique-t-il.

>> Revoir dans le 19h30 la réaction de Christophe Darbellay :

Projet de la troisième correction du Rhône : les précisions de Christophe Darbellay, conseiller d’État valaisan en charge de l’économie et de la formation
Projet de la troisième correction du Rhône : les précisions de Christophe Darbellay, conseiller d’État valaisan en charge de l’économie et de la formation / 19h30 / 2 min. / le 26 août 2024

D'après Christophe Darbellay, il est vraiment temps d'agir, car la correction du Rhône n'a pas atteint ses objectifs. "Qu'est-ce qu'on a fait en vingt ans? Le bilan est maigre. On a fait la correction du Rhône en amont de Viège, ce qui était une bonne chose, notamment pour l'industrie et on a réparé rapidement des digues qui étaient mal en point, c'est à peu près tout. À part remplir des bibliothèques entières de papier glacé, faire des stratégies et des études, il n'y a pas de grands résultats", ajoute-t-il.

Un manque de "respect"

Pour le conseiller d'Etat, il faut agir beaucoup plus vite et de manière beaucoup plus concrète. "Maintenant, on doit avancer avec ce projet de correction du Rhône et vous verrez des pelles mécaniques à Sierre tout prochainement", promet-il.

Directement attaquée par les propos de Christophe Darbellay, Romaine Perraudin Kalbermatter dit se réjouir que le conseiller d'Etat veuille "enfin faire avancer le projet". Elle déplore néanmoins un "manque de respect" par rapport à tout le travail scientifique de haut niveau qui a été fait.

>> L'interview de Romaine Perraudin Kalbermatter dans La Matinale :

Un nouveau rapport soutient la version initiale de la 3e correction du Rhône: interview de Romaine Perraudin Kalbermatter (vidéo)
Un nouveau rapport soutient la version initiale de la 3e correction du Rhône: interview de Romaine Perraudin Kalbermatter (vidéo) / La Matinale / 7 min. / le 27 août 2024

L'ancienne experte à l'Etat du Valais estime en outre que le conseiller d'Etat "contribue par sa posture et par son discours à semer le doute dans la population, alors que le public s'était prononcé (à l'époque) pour le projet à 57%".

Débat au Grand Conseil valaisan

Mais les travaux commenceront-ils aussi rapidement que le laisse entendre l'annonce Christophe Darbellay? Le Grand Conseil valaisan va en tous les cas se pencher sur ce nouveau rapport. En septembre, il débattra notamment d'une meilleure sécurisation du fleuve.

Certains partis pourraient par ailleurs demander une commission d'enquête parlementaire pour déterminer les responsabilités dans les crues dévastatrices de cet été.

"On a décidé d'entendre un expert indépendant, un hydrologue, qui pourra critiquer le choix du gouvernement et nous aider à y voir plus clair. Parce qu'aujourd'hui, ce n'est pas facile pour nous, les parlementaires, de prendre des décisions entre des voix si discordantes", explique dans le 19h30 Florian Chappot, vice-président de la Commission valaisanne de l'équipement et des transports.

Sujets TV et radio: Claudine Gaillard Torrent et Robin Baudraz

Adaptation web: Tristan Hertig

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