Les autorités valaisannes présentent leurs excuses aux victimes des internements administratifs
"Au nom du Conseil d'État du canton du Valais, je souhaite, avec émotion et gravité, adresser des excuses officielles à toutes les victimes valaisannes de ces mesures abusives et indignes", a déclaré à l'occasion d'une conférence de presse, le conseiller d'Etat en charge de la Santé, des Affaires sociales et de la Culture Mathias Reynard. "Nous reconnaissons votre douleur et les responsabilités des institutions, des autorités et de la société, qui ont permis que de telles injustices se produisent."
Le Valais n’est pas le premier canton suisse à effectuer cette démarche. Fribourg et Vaud l'ont notamment fait par le passé. "Il s’agit de remparts contre l’oubli", estime Mathias Reynard. "Ils contribuent à reconnaître et entretenir le souvenir de l’injustice et de la souffrance subies par toutes les victimes. Notre mémorial n’effacera pas les blessures, mais il est un pas vers la reconnaissance et le pardon."
Quelque 750 cas recensés dans le canton
L'initiative de l'Etat du Valais entend rappeler un épisode sombre de l’histoire suisse et témoigner auprès des générations actuelles et futures. Entre 1930 et 1981, environ 39'000 personnes en ont été victimes en Suisse de mesures de coercition. Pour l’ensemble du XXe siècle, on estime entre 50'000 et 60'000, le nombre de personnes qui ont fait l’objet de telles mesures d’internement administratif, dont au moins 750 personnes en Valais. On ne parle que des cas officiellement recensés.
Durant plusieurs décennies, ces mesures ont concerné des jeunes femmes condamnées à avorter, à subir une stérilisation ou à donner leurs enfants en adoption. Des enfants et adolescents ont également été victimes de maltraitances dans des familles d’accueil ou placés d’office dans des institutions. Enfin, des personnes ont été internées sans décision de justice, pour leur mode de vie en marge de la société.
>> A relire : Quelque 60'000 internés administratifs en Suisse jusqu'en 1981
"Un appel au souvenir"
Pour commémorer l’événement, un mémorial a été inauguré mardi à Sion. Il est l’œuvre de l’artiste haut-valaisan Raphaël Stucky. Le natif d’Ernen a conçu une œuvre à même le sol, intitulée "Paradis et enfer".
Inspiré du jeu de la marelle, l’œuvre se compose de dix dalles formées de pierres incrustées dans le sol et gravées des chiffres de 0 à 9, dans une police rappelant le type d’écriture utilisé dans les dossiers des victimes. L’installation se distancie toutefois de la marelle, en invitant le public à repenser le jeu et à inventer de nouvelles règles.
Une plaque explicative, fixée au mur attenant, renseigne le public, en allemand et en français, sur l’ampleur des mesures ayant eu cours en Valais jusqu’en 1981.
"Ce mémorial est un témoignage de reconnaissance et un appel au souvenir. Une œuvre qui transcende sa dimension artistique pour devenir un lieu de réflexion et de recueillement", a conclu Mathias Reynard.
ats/ami/dar
Des réactions mitigées
Parmi les personnes présentes lors de la cérémonie, les réactions étaient contrastées. Certaines se sont dites touchées, enfin reconnues et légitimées dans leur souffrance.
D'autres personnes ont confié à la RTS être déçues. Leur critique porte surtout sur le choix du type de mémorial: un jeu d’enfant au sol, sur lequel on va marcher, est à leur yeux offensant. Avoir été piétinées toute leur vie n’a rien d’un jeu, ont-elles souligné. Elles auraient préféré une œuvre en hauteur, porteuse de grandeur ou d’espoir.