"Nous avons vu arriver dans notre maison de formation une trentaine de jeunes rebelles entre 10 et 30 ans, et en grande majorité d’adolescents", raconte Guy Luisier, chanoine de Saint-Maurice d'Agaune, dans le 19h30 de la RTS. Il a été enlevé en mars dans la région du Kasaï, en proie à de violents conflits ethniques.
"Nous avons subi un interrogatoire. Une sorte de tribunal populaire, où on nous a demandé quels étaient nos liens avec les militaires et les policiers", poursuit-il.
Les rebelles Kamunia Nsapu soupçonnent l'Eglise catholique de faire le jeu du président Joseph Kabila, d'où ces représailles.
"Souffrance intellectuelle"
"Ils nous ont maltraités. Ils ont donné à certains des coups avec le plat de la machette sur la plante du pied. J’ai eu très peur qu'ils leur coupent les pieds vu que la veille ils avaient coupé la main de notre menuisier", relate-t-il.
"Je n'ai pas trop souffert physiquement, ni psychologiquement... Mais intellectuellement, c’est très difficile à intégrer. Je suis pris dans une guerre qui se base sur des éléments absurdes, la sorcellerie, la magie, l'engagement très fort d'enfants et d'adolescents", témoigne-t-il.
"Déçu" par l'ONU
Finalement relâché, le prêtre a regagné sa mission et a décidé de rester en République démocratique du Congo, malgré l’insécurité.
Mais devant un conflit qui a fait des centaines, voire des milliers de morts, Guy Luisier se dit "déçu" par l'ONU. "Elle met des moyens militaires, mais elle ne fait qu'analyser la situation", regrette-t-il.
L'intervention réelle de l'ONU pour la pacification et la sécurisation de la population est pratiquement nulle.
"Le père blanc", comme on l'appelle en RDC, a retrouvé la quiétude dans la petite paroisse d'Epinassey, mais il regagnera le Kasaï à la mi-septembre. Son défi: donner des perspectives d’avenir aux jeunes afin qu'ils ne rejoignent pas les milliers d’enfants soldats.
Claudine Gaillard Torrent