Le Valais, avec ses vallées et ses routes en lacets, paraît indissociable de ses bus jaunes: CarPostal couvre en effet plus de 1200 kilomètres de lignes postales dans le canton.
Les subventions cantonales et fédérales sont de l'ordre de 30 millions de francs par année pour couvrir le déficit d'exploitation de ces lignes.
Or, après le scandale comptable qui entache CarPostal - accusé d'avoir perçu indûment 78,3 millions de francs de subventions fédérales et cantonales entre 2007 et 2015 -, les soupçons se précisent en Valais.
Dix millions de trop en dix ans
Selon un calcul de la RTS, un million de francs pourrait avoir été perçu de manière abusive chaque année, soit près de 10 millions de francs entre 2007 et 2015.
Depuis 2009, le canton avait des doutes. "Nous avons posé des questions sur la comptabilité, sur des postes bizarres et des frais généraux qu'on avait de la peine à expliquer", raconte Pascal Bovey, délégué à la mobilité du canton du Valais, dans le 19h30. "On n'a pas soupçonné des malversations, mais on s'est étonné de ne pas recevoir d'explications claires à des questions précises."
Fâché, le Conseil d'Etat réclame aujourd'hui des explications. Un courrier demandant des éclaircissements sera adressé à l'Office fédéral des transports (OFT). L'OFT avait déclaré devoir éclaircir plusieurs points avant de prendre des mesures: la Confédération et les cantons versent en effet chaque année 340 millions de francs à CarPostal et les bénéfices indus perçus par ce dernier se répartissent sur quelque 10'000 factures.
Les communes aussi potentielles victimes
Mais les communes pourraient elles aussi avoir été victimes de ces pratiques comptables illégales. A Monthey par exemple, en contrat depuis 5 ans avec CarPostal pour 1,6 million de francs par an, l'abus potentiel annuel pourrait avoisiner les 30'000 francs, a calculé la RTS.
Si l'abus n'est pour l'heure par avéré, la confiance, elle, est entachée. La commune pourrait changer de prestataire. "C'est un simple mandat, nous pouvons tout à fait résilier notre relation contractuelle", affirme Stéphane Coppey, président de Monthey.
Directeur de la compagnie de chemin de fer et d'autobus Sierre-Montana-Crans (SMC), Patrick Cretton s'interroge de son côté sur les failles du système de contrôle qui ont permis des abus d'une telle ampleur. Son entreprise est subventionnée elle aussi, mais ses comptes sont épluchés au centime près par l'Inspection valaisanne des finances. "Les mesures mises en place par l’autorité de surveillance sont peut-être suffisantes pour contrôler des PME, mais insuffisantes pour une entreprise de la taille de La Poste", avance-t-il.
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Vers la première "class action" en Suisse?
En Valais, la grogne a également gagné la classe politique: le député UDC Jérômes Desmeules compte interpeller le Conseil d'Etat. "Il faut faire pression sur Berne avec les autres cantons pour que ce dossier avance, pour que tout soit remboursé au franc près, et bien sûr pour que les responsabilités soient établies", affirme l'élu, qui avoue "ne pas comprendre, au vu des malversations" la confiance maintenue du Conseil fédéral à la directrice de La Poste Susanne Ruoff.
Le Valais pourrait rejoindre les vingt-quatre autres cantons sous contrat avec CarPostal et entamer, sous la houlette de la Confédération, une action collective en justice à l'encontre de La Poste, une procédure encore inédite en Suisse.
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Nadia Esposito et Flore Dussey/kkub