En collaboration avec les quotidiens Le Temps, Le Nouvelliste et Walliser Bote, la RTS s'est penchée en détail sur ce rapport d'une quarantaine de pages en allemand et ses annexes, rendus publics en fin d'année dernière seulement après un bras de fer judiciaire entre le canton et la RTS.
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Les journalistes qui ont participé à cette enquête commune ont également mis au jour de nombreux documents qualifiés de "secrets", apparus au cours de la procédure, ainsi que d'autres pièces.
Contamination révélée dans les années 1970
On y découvre ainsi que plusieurs analyses des sédiments du Grossgrundkanal et du Rhône, effectuées au début des années 1970 et commandées par la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL), ont montré que ceux-ci étaient contaminés par du mercure déversé par l'entreprise chimique Lonza.
Une étude rédigée par le chef du Service cantonal valaisan de la protection de l'environnement de l'époque précise ainsi qu'une teneur en mercure 1200 fois supérieure à la teneur naturelle a été mesurée dans le canal en novembre 1980.
Elle ajoute que les travaux de la CIPEL "ont permis de mettre en évidence diverses pollutions par les métaux lourds et d'attirer l'attention des autorités cantonales". Malgré cela, le canton n'a interdit la valorisation des boues polluées en agriculture qu'en 1990.
Plus de 250 cas d'intoxications entre 1920 et 1950
Autre découverte: des intoxications au mercure d'employés de Lonza ont été signalées avant 1950 déjà. Les statistiques historiques de la Suva font ainsi état de 20 cas entre 1939 et 1943.
En 1939, le médecin-chef de l'assurance accidents, visitant les installations de Lonza à Viège, relève dans son rapport des intoxications au mercure relativement nombreuses par le passé. Il se dit toutefois optimiste car une nouvelle installation de récupération du mercure a été homologuée par le canton.
Dans les documents dits "secrets", on trouve aussi une liste des cas de maladie du travail pour les années 1942 à 1944. Quatorze d'entre eux concernent le mercure, avec des arrêts de travail allant jusqu'à quatre mois.
Un médecin seul contre tous
A cette époque, un médecin de Viège, le Dr Paul Burgener, s'est battu pour mettre en évidence l'ampleur du problème et tenter de le faire reconnaître. Dans une publication de 1952 et sur la base de plus de 250 cas d'intoxications étudiés entre 1920 et 1950, il décrit les symptômes observés: troubles du système digestif et du système nerveux, insomnie ou encore irritabilité. Il évoque aussi le refus de la Suva de prendre en charge les malades.
Marie Giovanola/oang
Des "vacances mercure" à la Lonza
Contactée, l'entreprise Lonza confirme ce minimum de 250 cas observés.
Sur les mesures prises pour faire face à cette situation, elle précise qu'outre le suivi régulier de la santé des employés par des analyses d'urine, des mesures visant à minimiser le contact avec le mercure avaient été prises.
Les employés bénéficiaient en outre de vacances supplémentaires appelées par certains "vacances mercure". Leurs habits de travail étaient lavés sur place. Une distribution de lait était aussi organisée.
L'Etat du Valais veut "se concentrer" sur l'avenir
Au canton, le Département de la mobilité, du territoire et de l'environnement indique qu'il est difficile de s'exprimer sur le passé et qu'il souhaite se concentrer sur l'assainissement des terrains pollués.
Le département du conseiller d'Etat Jacques Melly rappelle aussi qu'une étude épidémiologique mandatée par le canton a été réalisée en 2016 par l’Université de Zurich et qu'aucune atteinte significative à la santé de la population par le mercure présent dans le sol n’a pu être démontrée.
Le canton avait annoncé avoir découvert en 2011 dans le cadre des travaux sur l’autoroute A9 que la pollution affectait également des terrains situés le long du Grossgrundkanal.
De son côté Thomas Burgener, chargé de la Santé entre 1999 et 2009, affirme qu’il n’a jamais entendu parler de mercure autour de la table du Conseil d’Etat durant son mandat.
Le rapport historique de 2011 (en allemand)