La valeur des tests nucléaires effectués dans la centrale expérimentale de Lucens avant l'accident du 21 janvier 1969 a trop longtemps été sous-estimée, estime Jean-Paul Buclin, ex-directeur de la centrale nucléaire de Lucens, lundi au micro du 19h30: "Même les personnes du métier en Suisse ne s’y sont pas intéressées. Pourtant, jusqu'au fin fond du Japon ou en Russie, ils savaient tout sur Lucens."
Au moment de l'accident (voir encadré ci-dessous), le monde est en pleine Guerre froide. La Suisse veut prendre part à la compétition atomique. En toute discrétion, les premiers "stress tests" nucléaires sont effectués à Lucens. Moscou suit tout cela de très près.
"Pour certains essais, qu'on a appelé essais de refroidissement de secours, nous sommes allés à Lucens dix fois plus loin que n’importe qui d’autre au monde", révèle Jean-Paul Buclin sur la RTS.
Personne n'a été touché dans sa santé
Il s’agit de tests très sensibles, connus des seuls experts. L’objectif est de parvenir à garantir l’alimentation électrique de la centrale afin de pouvoir assurer, en toute situation, le déclenchement du système de protection.
"Ces essais que nous avons réalisés doivent être considérés avec l’accident que nous avons vécu et qui est classé parmi les 5-6 plus sévères que le monde ait connus. Nous sommes parvenus à faire en sorte que tous les systèmes de sécurité fonctionnent. Personne dans le public et même dans le personnel d’exploitation n’a été touché dans sa santé par cela."
Demande d'aide après Tchernobyl
En Suisse, l’accident met fin au rêve d’un nucléaire 100% suisse. À l’étranger pourtant, la gestion de cette crise est perçue différemment.
"Quand il y a eu Tchernobyl, peu de temps après, on prend contact avec nous, confie Jean-Paul Buclin. Vous avez maîtrisé cela comme ça, est-ce que vous pouvez venir nous aider, nous demande-t-on. Ils nous ont engagés pour les aider. Ils nous ont obligés à porter des habits militaires russes. Ou ukrainiens si vous voulez, c’est bien égal. Des habits de là-bas parce qu’ils ne voulaient pas montrer qu’il y avait des experts étrangers."
Cinquante ans après, le bâtiment a été racheté par le canton de Vaud, qui en a fait un dépôt pour ses biens culturels. Le musée de zoologie y entrepose ses animaux empaillés et d’autres salles accueillent des objets précieux à protéger en cas de conflit ou de sinistre.
Claude-Olivier Volluz/boi
L'accident nucléaire de Lucens
En janvier 1969, la centrale expérimentale de Lucens connaissait l'accident nucléaire le plus grave de l'histoire suisse avec la fusion partielle du coeur de réacteur expérimental à la suite d'un problème de refroidissement.
La caverne de 25 mètres de haut sur 20 mètres de diamètre dans laquelle était installé le réacteur a subi une contamination radioactive massive. La radioactivité était à un tel niveau qu'elle dépassait la valeur maximum des instruments de mesure, mais la construction souterraine a empêché une diffusion massive.
Mais la caverne du réacteur n'était pas complètement étanche: les radiations se sont propagées jusqu'à 100 mètres de la salle de contrôle. Dans la caverne la plus proche du réacteur, une équipe impliquée dans l'arrêt de la turbine a été irradiée. Comme les douches de décontamination étaient inutilisables, les travailleurs ont dû trouver une solution de remplacement et se sont douchés sans eau chaude.
L'installation n'était pas non plus complètement hermétique vis-à-vis de l'extérieur. La radioactivité a faiblement augmenté dans les villages voisins, sans toutefois atteindre des valeurs dangereuses, selon la Commission fédérale pour la surveillance de la radioactivité.
L'usine a été démantelée en 1973, les matières radioactives ont été en partie laissées sur le site et en partie transportées au centre d'entreposage temporaire des déchets nucléaires à faible radioactivité de Würenlingen (AG). (ats)
Il y a 50 ans, le cœur du réacteur de la centrale atomique de Lucens fondait. Retour en images sur le plus grave accident nucléaire de l’histoire suisse.#video pic.twitter.com/ck5Sv5xOus
— RTSinfo (@RTSinfo) 21 janvier 2019