C'est le plus grand aquarium-vivarium en eau douce d'Europe, comme cela est indiqué sur son site Internet. Mais Aquatis, situé à la sortie d'autoroute Lausanne-Vennes, ne remplit de loin pas les attentes de sa direction. De source sûre, la RTS a appris qu'il y aura entre 220'000 et 240'000 visiteurs cette année.
Ce résultat est nettement inférieur à l'objectif fixé en octobre 2017 lors de l'inauguration de cet aquarium-vivarium qui a coûté 64 millions de francs. Interrogé par TTC, Bernard Russi, patron du groupe Aquatis et président du groupe hôtelier Boas, confiait alors viser une moyenne de 450'000 visiteurs par an.
Situation problématique
Il y a un an, au moment de dresser le bilan de la première année d'Aquatis, le Vaudois avait déjà revu ses ambitions à la baisse. Il avait expliqué qu'Aquatis avait accueilli 379'000 personnes en un an et qu'il visait désormais une fréquentation annuelle de 350'000 personnes.
Le calcul est vite fait: cette année, il y aura entre 30% et 40% de visiteurs de moins que ce qui était espéré par Bernard Russi il y a un an. Cette situation est problématique car les coûts fixes d'Aquatis – le personnel et l'exploitation – sont importants. Ils représentent plusieurs millions de francs par an. Cette année, le manque à gagner lié au nombre de visiteurs inférieur aux attentes représentera ainsi des centaines de milliers de francs.
Patron d'Aquatis, Bernard Russi confirme à la RTS qu'il y aura "au maximum 240'000 visiteurs en 2019". Mais il refuse de tirer la sonnette d'alarme. "On a un objectif à cinq ans. En 2022, cette entreprise sera profitable. Aujourd'hui, elle n'est pas encore profitable, c'est tout à fait normal. Nous ne sommes qu'en deuxième année d'exploitation. Maintenant, c'est clair que nous avons essayé d'optimiser la gestion, les factures d'électricité, l'eau. On avait des factures énormes. On employait 300 mètres cubes d'eau par jour avant. En optimisant notamment le personnel et le nettoyage, nous avons une économie d'exploitation", affirme-t-il au 19h30.
"On a vu trop grand"
Comment Bernard Russi explique-t-il que les résultats ne soient pas à la hauteur des attentes? Le patron du groupe hôtelier Boas estime que la barre a été placée trop haut au départ. "L'entreprise qui nous a affirmé que nous pourrions viser les 450'000 visiteurs a vu trop grand. Atteindre ce chiffre dans un pays aussi petit que la Suisse est très difficile", dit-il.
Bernard Russi ajoute qu'Aquatis aurait dû davantage communiquer sur ses activités. Mais il précise qu'une campagne de communication peut coûter des millions. Or l'argent manquerait. Selon nos sources, la Fondation Aquatis, présidée par l'ancien politicien Yves Christen, devait trouver 15 millions de francs lors de la construction d'Aquatis, mais elle n'aurait apporté que 4 millions. Les 11 millions qui manquent ont été mis sur la table par Bernard Russi et le groupe Boas, ce qui n'était pas prévu.
Beaucoup investi
La situation actuelle d'Aquatis met-elle en péril le groupe hôtelier Boas, qui possède une dizaine d'hôtels en Suisse romande et qui a déjà vendu tous ses EMS pour financer le complexe aquatique? Interrogé par le 19h30, Bernard Russi répond que "pour le groupe, c'est compliqué du fait qu'on a beaucoup investi. Nous n'avons quasiment pas de crédit.
Le groupe Boas a investi déjà plus de 30 millions dans cette entreprise. L'avantage, c'est qu'on ne doit pas d'argent à quelqu'un, mais l'inconvénient, c'est la trésorerie."
"Je suis un combattant"
Bernard Russi révèle qu'il s'est fixé un nouvel objectif de visiteurs: 330'000 par an. Pour attirer du monde et faire revenir les personnes qui ont déjà visité Aquatis, il va lancer une campagne de communication, mais aussi miser sur les expositions temporaires. La première organisée depuis l'ouverture d'Aquatis verra le jour dans quelques semaines, en octobre. Elle portera sur l'Amazonie.
Et que se passera-t-il si les visiteurs ne sont pas au rendez-vous ? Bernard Russi se veut positif : "Je ne serais pas un patron depuis plus de trente ans si j'étais négatif. J'ai toujours été un combattant. Je suis convaincu que le produit est excellent. On ne peut pas échouer avec un projet aussi beau qu'Aquatis."
Fabiano Citroni
Le canton a prêté des millions, mais n'est pas inquiet
Dans le cadre de la loi sur l'aide au développement économique, le canton de Vaud a prêté 10 millions de francs à Aquatis, un prêt sans intérêt. La Ville de Lausanne a accepté de cautionner pour moitié ce prêt, ce qui représente une garantie de 5 millions de francs.
Contacté par le 19h30, le conseiller d'Etat Philippe Leuba, chef du Département de l'économie, se veut rassurant. En substance, il explique qu'un lieu d'attraction peut avoir besoin de temps pour tourner et qu'il est encore tôt pour tirer un bilan.
Le magistrat ajoute que le canton suit le dossier, mais aussi que le prêt doit commencer à être remboursé en 2022.