Avant l'énoncé du verdict, le président de la cour Philippe Colelough a rappelé les circonstances et a décrit l'attitude des militants comme "bon enfant" et "non agressive". La cour a aussi relevé la "qualité" et le "sérieux" des documents présentés lors du procès et la force de la démonstration de l’experte. Elle a en outre reconnu que le changement climatique représentait un réel danger.
"Seule la façon de procéder choisie (par les prévenus) pouvait avoir le retentissement nécessaire", à savoir "attirer l’attention des médias" et "faire un lien clair avec la banque incriminée et la figure populaire de Roger Federer", a poursuivi la cour.
Et le tribunal de conclure que les prévenus ont agi "de manière licite". Mais il a souligné que ce jugement résulte de la non-violence des manifestants et du fait que la manifestation a été courte et de faible ampleur, avec peu de risques de débordements.
Départ sous les applaudissements
Après le verdict, une salve d'applaudissements a retenti dans la salle d'audience. Et les douze activistes ont été encore applaudis quand ils ont quitté le tribunal.
Interrogée par RTSinfo, Dijana Simeuniovic, l'une des militante acquittée, a fait part de sa joie, s'estimant confortée dans son combat contre le réchauffement climatique.
De son côté, l'avocate vaudoise Aline Bonnard a estimé que les principes de proportionnalité et de subsidiarité ont été respectés avec ce verdict qui "a reconnu qu'un danger existe". Elle ne croit toutefois pas que le juge a donné un blanc-seing à toute forme de désobéissance civile. "Il a tenu compte des circonstances particulières."
Karin Keller-Sutter "respecte", Philippe Nantermod s'indigne
Interrogée dans Forum, la conseillère fédérale en charge de la justice Karin Keller-Sutter se distancie du verdict. "Je ne vais pas me mêler du jugement d’une cour", répond-elle. "Les tribunaux ont une marge de manoeuvre lorsqu’ils appliquent les lois, et je respecte cela. En Suisse, on a le privilège de pouvoir se prononcer sur les lois en votant."
La ministre insiste sur l'importance des grands dossiers de la Confédération sur la question climatique. "Il y a la loi sur le CO2 et l’agenda énergétique du Conseil fédéral, qui est très sensible aux défis qui nous attendent. La politique écologique se fait sur la base d’éléments concrets, et non à travers d'actions, jugées ou non."
Autre réaction chez le conseiller national valaisan Philippe Nantermod, qui a exprimé ses réserves sur Twitter. L'élu PLR estime qu'il s'agit là d'un "jugement politique". A ses yeux, "quand l'Etat ne défend plus les droits fontamentaux des individus, la garantie de la propriété en l'espèce, c'est le début de la fin".
Interrogé dans le 19h30, le conseiller national estime que "ce n'est pas le rôle d'un tribunal de dire s'il y a urgence climatique. Il y a une violation de la séparation des pouvoirs".
Interrogé par l'ats, un porte-parole de Credit Suisse a déclaré que la banque "prenait note du verdict et analysera la décision." Charles Munoz, avocat des activistes, a toutefois relevé qu'il "voyait mal" la banque faire appel.
Une facture de 21'600 francs
Lors des faits, en novembre 2018, les militants déguisés en joueurs de tennis avaient dénoncé "l'hypocrisie" d'une banque qui s'associe à l'image positive de Roger Federer tout en menant une politique d'investissement dans les énergies fossiles néfaste pour l'environnement.
Les douze militants avaient été condamnés dans un premier temps via une ordonnance pénale pour violation de domicile et infraction à la loi sur les contraventions pour avoir manifesté sans autorisation et refusé d'obéir à la police. Ils avaient écopé chacun d'une peine de 30 jours-amende à 30 francs avec sursis pendant deux ans et d'amendes allant de 400 à 600 francs. En ajoutant les frais de justice, on arrivait à une facture de 21'600 francs. C'est en faisant opposition à cette condamnation qu'ils ont ouvert la voie à un procès.
Depuis une semaine, c'est Roger Federer lui-même qui est aussi épinglé directement par les militants pour ses liens avec Credit Suisse. Le Bâlois a d'ailleurs réagi en se disant très préoccupé par la cause climatique et en promettant de faire un don pour les sinistrés des incendies en Australie.
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Pauline Turuban, à Renens, et Frédéric Boillat
"Pas de jurisprudence"
Pour Etienne Grisel, professeur honoraire de droit constitutionnel à l'Université de Lausanne, invité dans La Matinale mardi, a estimé que la cour a pris en compte les circonstances concrètes dans son jugement, et que ce dernier ne pourra donc pas faire jurisprudence pour des procès subséquents.